Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/237

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principauté indépendante. Mais mon fils, qui est ordinairement si coupable de négligence pour les affaires de son royaume, a jugé à propos d’en prendre l’administration dans ce moment de crise. — J’ai appris avec plaisir, madame, répondit Peveril, que les mesures de précaution qu’il a employées ont eu l’effet de déjouer complètement la conspiration. — Pour le moment, Julien ; mais ces mesures auraient dû être de nature à faire trembler le plus téméraire à la seule idée d’enfreindre de nouveau nos droits. Le plan de Derby est dangereux, et cependant il a quelque chose de chevaleresque qui me plaît et m’empêche de le désapprouver. — Quel est ce plan ? madame, en quoi puis-je y coopérer, ou comment puis-je en détourner les dangers ? — Son dessein, dit la comtesse, est de partir à l’instant pour Londres. Il est, dit-il, non seulement le chef féodal d’une petite île, mais aussi un des nobles pairs d’Angleterre ; et à ce titre, il ne doit pas rester ici dans une lâche tranquillité, lorsque son nom et celui de sa mère sont calomniés devant son roi et ses concitoyens. Il ira prendre sa place, dit-il, dans la chambre des pairs, et y demander publiquement justice de l’insulte faite à sa maison par des dénonciateurs intéressés et parjures. — Cette résolution est noble et digne de mon ami, reprit Julien. Je partirai avec lui, je partagerai son destin, quel qu’il puisse être. — Hélas ! jeune insensé, reprit la comtesse, autant vaudrait demander de la compassion à un lion affamé que de la justice à un peuple furieux et prévenu. Il ressemble au fou qui, dans un violent accès de frénésie, assassine sans remords son meilleur et son plus fidèle ami, et qui ne s’étonne et ne s’afflige de sa cruauté que quand il est revenu de son délire. — Pardonnez-moi, chère lady, repartit Julien, mais cela est impossible. Le peuple anglais est généreux, et ne peut se laisser égarer d’une manière si étrange. Quelles que soient les préventions du vulgaire, les deux chambres du parlement ne sauraient en être tout à fait imbues : elles se rappelleront leur propre dignité. — Hélas ! cousin, » s’écria la comtesse en soupirant, « les Anglais même du plus haut rang se souviennent-ils de quelque chose quand la fureur de l’esprit de parti les possède ? Ceux mêmes qui ont trop de bon sens pour ajouter foi aux faussetés incroyables qui abusent la multitude se garderont bien de les démentir, si le parti politique auquel ils sont attachés peut gagner un avantage momentané à laisser ces calomnies s’accréditer. C’est pourtant parmi de tels hommes que votre parent a trouvé des