Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accueillis comme des vérités par les deux chambres du parlement ; et aucun des membres n’a garde de les mettre en doute, de peur de s’exposer au titre odieux d’ami des papistes sanguinaires et à l’accusation de favoriser leurs plans cruels et diaboliques. — Mais que disent de ces bruits absurdes ceux qu’ils paraissent concerner ? demanda Julien. Que disent les catholiques anglais, corps considérable et riche, et qui compte tant de nobles noms ? — Leurs cœurs sont paralysés au dedans d’eux-mêmes, ils sont comme des moutons rassemblés dans une tuerie, et parmi lesquels le boucher va choisir ceux qu’il veut égorger. Je vois par ces dépêches brèves et obscures, que je tiens d’une personne digne de foi, qu’ils ne font que hâter leur ruine et la nôtre, tant l’abattement est général, tant le désespoir est universel ! — Mais le roi, dit Peveril, le roi et les protestants royalistes, que disent-ils de l’orage qui s’approche ? — Charles, avec la prudence qui est habituelle à son caractère égoïste, cède à l’orage ; il souffrira que la corde et la hache fixent le destin des hommes les plus innocents de son royaume, plutôt que de consacrer une heure de ses plaisirs à tenter de les sauver. Quant aux royalistes, ou ils sont tombés dans le délire qui s’est emparé des protestants en général, ou ils gardent la neutralité, n’osant montrer de l’intérêt pour les malheureux catholiques, de peur d’être confondus avec eux et d’être mis au nombre des conspirateurs. Dans le fait, je ne puis les blâmer : il est difficile d’espérer que la pure compassion, ou, ce qui est encore plus rare, l’amour de la justice, soit assez puissant pour engager les hommes à s’exposer à la fureur d’un peuple entier ; car, dans l’état actuel d’agitation générale, quiconque ose douter de la moindre des absurdes invraisemblances accumulées par ces infâmes délateurs, est poursuivi à l’instant comme soupçonné de vouloir étouffer la découverte du complot. C’est réellement une tempête effroyable, et, quelque éloignés que nous soyons de la région où gronde la foudre, nous devons nous attendre à en être bientôt frappés. — Lord Derby m’a déjà dit quelque chose de tout cela, reprit Julien ; il a même ajouté qu’il se trouvait maintenant dans cette île des agents qui y sont venus dans le but d’exciter une insurrection. — Oui, » répondit la comtesse, et ses yeux lançaient des éclairs tandis qu’elle parlait ; « si on avait écouté mon avis, ces hommes eussent été pris et arrêtés sur le fait ; on les aurait traités de manière à faire comprendre aux autres quelle conduite ils ont à tenir dans cette