Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/225

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ne fusse l’un et l’autre. — Pardonnez-moi, car jusqu’ici vous n’en avez donné aucune preuve. Écoutez-moi sans m’interrompre. Je ne mets pas en doute votre volonté d’être l’un et l’autre ; mais jusqu’ici vous n’avez eu ni les lumières ni les occasions nécessaires pour professer vos principes et servir votre pays. Vous avez vécu à une époque où l’apathie de l’esprit, succédant aux agitations de la guerre civile, a rendu les hommes indifférents sur les affaires publiques, et plus disposés à songer à leurs propres intérêts qu’à se tenir sur la brèche, quand le Seigneur lutte contre Israël. Mais nous sommes Anglais, et une léthargie aussi peu naturelle ne peut durer long-temps. Déjà la plupart de ceux qui désiraient le plus le retour de Charles Stuart le regardent comme un roi que le ciel, importuné de nos supplications, nous a donné dans sa colère. Si licence sans frein, imitée avec tant d’ardeur par les jeunes fous qui l’entourent, a dégoûté les gens sages et bien pensants. Je ne vous parierais point avec cet abandon, si je n’étais bien informé que Julien Peveril a su se garantir de la corruption du temps. Le ciel, qui a rendu fécondes les amours illicites du roi, a frappé de stérilité sa couche nuptiale ; et dans le caractère sombre et sévère de son superstitieux successeur, nous voyons déjà quelle espèce de monarque succédera au trône d’Angleterre. C’est un moment terrible que celui-ci, et c’est le devoir de tous les hommes de bien, de se placer en avant, chacun à son rang, afin de secourir le pays qui nous a vus naître. »

Peveril se rappela l’avis que lui avait donné Alice, et baissa les yeux sans répondre.

« Que signifie cela ? » continua Bridgenorth après un moment de silence. « Jeune comme tu es, étranger à tous ces liens de débauche qui pourraient t’enchaîner aux ennemis de ton pays, es-tu déjà assez endurci pour fermer l’oreille à l’appel qu’il peut te faire en ce moment de crise ? — Il serait aisé de répondre d’une manière générale, major, reprit Peveril ; il serait aisé de vous dire que mon pays ne peut me faire un appel auquel je ne sois disposé à répondre sur-le-champ, dussé-je risquer mes biens et ma vie ; mais, en raisonnant ainsi, nous nous abuserions l’un l’autre. Quelle est la nature de cet appel ? par qui doit-il être fait ? quels doivent en être les résultats ? car je crois que vous avez vu de trop près les maux de la guerre civile, pour désirer de voir renaître ses horreurs au milieu d’un pays heureux et tranquille. — Il faut que le médecin réveille ceux qui sont endormis par l’effet