Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/223

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dangers à rencontrer dans mon chemin, » dit Peveril, très-surpris du ton de douceur avec lequel Bridgenorth lui fit cette observation, « il en est peu que je ne voulusse braver pour… pour mériter votre bonne opinion. — C’est-à-dire, pour obtenir la main de ma fille, dit Bridgenorth. Eh bien, jeune homme, une chose m’a plu dans votre conduite, quoiqu’elle m’ait offensé d’ailleurs ; une chose m’a plu, vous dis-je. Vous avez franchi cette barrière orgueilleuse de l’aristocratie, derrière laquelle votre père et les siens se tenaient retranchés, comme dans l’enceinte d’une forteresse féodale ; vous avez surmonté hardiment cet obstacle, et vous vous êtes montré disposé à vous allier à une famille que votre père méprise comme basse et ignoble. »

Malgré tout ce que ce langage paraissait avoir de favorable au succès des projets de Julien, il faisait si clairement apercevoir toutes les conséquences d’une telle réussite à l’égard de ses parents, qu’il trouva très-difficile de répondre. Voyant cependant que le major Bridgenorth paraissait déterminé à attendre tranquillement qu’il parlât, il recueillit assez de courage pour lui dire : « Les sentiments que j’ai conçus pour votre fille, major Bridgenorth, sont de nature à faire négliger bien des considérations auxquelles, dans tout autre cas, je regarderais comme un devoir de me soumettre avec respect. Je ne vous dissimulerai pas que les préjugés de mon père contre un tel mariage sont très-forts ; mais je crois fermement qu’il y renoncerait s’il venait à connaître le mérite d’Alice Bridgenorth, et à se convaincre qu’elle seule peut faire le bonheur de son fils. — En attendant, vous désirez vous unir à elle sans le consentement de vos parents, sauf à l’obtenir ensuite ? N’est-ce pas ainsi que je dois comprendre la proposition que vous venez de faire à ma fille ? »

La marche des passions humaines est tellement irrégulière, incertaine, que, bien que Julien, quelques minutes auparavant, eût pressé vivement Alice de consentir à un mariage secret, et de le suivre sur le continent, comme le seul moyen d’assurer le bonheur de toute sa vie, cette proposition s’offrit à lui sous un aspect beaucoup moins enchanteur, lorsqu’il entendit Bridgenorth la lui faire d’un ton calme, froid et dictatorial. Ce n’était plus l’inspiration d’un ardent amour, qui repousse toutes les considérations, mais l’arrêt qui devait soumettre la dignité de sa maison à celui qui paraissait considérer la situation actuelle de tous deux comme le triomphe de Bridgenorth sur Peveril. Il