Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/218

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s’écria Peveril, animé par ses propres sentiments et par la vue de l’émotion qu’Alice s’efforçait vainement de dissimuler ; « non, de par le ciel ! nous ne nous séparerons pas, Alice : si je dois quitter mon pays, vous serez la compagne de mon exil. Qu’avez-vous à perdre ? qu’avez-vous à abandonner ? Votre père ? La bonne vieille cause, comme il l’appelle, lui est plus chère que mille filles ; et, votre père excepté, quel lien vous attache à cette île stérile ? dans quel séjour pourrai-je plaire à mon Alice, si son Julien n’était pas près d’elle ! — Julien ! répondit la jeune fille, pourquoi rendre mon devoir plus pénible encore par des chimères que vous ne devriez pas me faire entrevoir, par un langage que je ne devrais pas écouter ? Vos parents… mon père… non, non, cela ne se peut ! — Ne craignez rien de mes parents, Alice, » répondit Julien en se rapprochant de sa belle compagne, et en se hasardant à passer son bras autour d’elle. « Ils m’aiment, et ils apprendront bientôt à aimer dans Alice le seul être qui, sur la terre, puisse rendre leur fils heureux. Quant à votre père, lorsque les intrigues de l’Église et de l’État lui permettront de vous accorder une pensée, ne réfléchira-t-il pas que votre bonheur sera mieux gardé par moi, par votre époux, que par cette femme extravagante aux soins mercenaires de laquelle il vous a confiée ? Qu’est-ce que son orgueil paternel pourrait désirer de mieux pour vous que l’établissement qui sera un jour le mien ? Venez donc, Alice, et puisque vous me condamnez au bannissement, puisque vous me défendez de prendre part aux événements qui sont sur le point d’agiter l’Angleterre, venez, oui, venez, car vous seule, oui vous seule, pouvez me réconcilier avec l’exil et l’inaction, et donner le bonheur à celui qui est disposé à renoncer pour vous à l’honneur. — Je ne le puis, je ne le puis ! » dit Alice d’une voix tremblante d’émotion ; « et cependant ajouta-t-elle, combien de jeunes filles à ma place, si elles se trouvaient comme moi seules et sans protecteurs… mais non, Julien, non, cela ne se peut… je ne dois pas… même pour l’amour de vous. — Ne dites pas pour l’amour de moi, Alice, » interrompit vivement Peveril, « car ce serait ajouter l’insulte à la cruauté. Si réellement vous voulez faire quelque chose pour l’amour de moi, si vous me portez quelque intérêt, vous direz oui ; ou, si vous n’osez le dire, laissez tomber sur mon épaule cette tête chérie : le moindre signe, le moindre regard, m’annoncera votre consentement. Dites, et dans une heure tout sera préparé ; dans celle qui suivra nous serons unis