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écuries du château, il monta sur sa jument Fairy, et se dirigea, sans perdre de temps, vers le lieu du rendez-vous. Tandis qu’il avançait avec plus de vitesse qu’on n’aurait pu l’attendre de la petitesse de sa monture, il cherchait à deviner ce qui avait pu produire un si grand changement dans la conduite d’Alice envers lui, puisqu’au lieu de lui enjoindre l’absence comme de coutume, ou de lui recommander de quitter l’île, elle lui assignait volontairement un rendez-vous. L’esprit préoccupé de ces diverses pensées, tantôt il pressait les flancs de son coursier, tantôt il le touchait légèrement de sa houssine, quelquefois il l’excitait de la voix, car l’excellent animal n’avait besoin ni du fouet ni de l’éperon, et il fit douze milles à l’heure en parcourant la distance qui séparait le château d’Holm-Peel de la pierre de Goddard Crovan.

Cette pierre monumentale, destinée à transmettre le souvenir de quelque exploit d’un ancien roi de Man, depuis long-temps oublié, était située sur l’un des côtés d’une vallée étroite et solitaire, cachée à tous les regards par les hauteurs escarpées qui l’environnent. Sur une espèce de plate-forme naturelle, s’élevait isolée la roche informe et colossale, telle qu’un morne géant en embuscade au-dessus de la rivière murmurante qui arrose la vallée.



CHAPITRE XVII.

LE RENDEZ-VOUS.


Quoi ? c’est un rendez-vous d’amour ! Voyez cette jeune fille, elle pleure, et son amant, triste et sombre, baisse les yeux vers la terre. Certainement il s’est passé entre eux quelque autre chose que les doux chagrins d’amour.
Vieille Comédie.


En approchant du monument de Goddard Crovan, Julien dirigea des regards inquiets vers la roche, afin de s’assurer s’il n’avait point été devancé au lieu du rendez-vous par celle qui le lui avait assigné. Bientôt le flottement d’une mante agitée par le vent, et le mouvement que fît celle qui la portait pour la retenir sur ses épaules, l’avertirent de la présence d’Alice. En un clin d’œil il sauta à bas de Fairy, qu’il laissa, la bride sur le cou, libre de paître l’herbe à son gré en parcourant la vallée. L’instant d’après, il était à côté d’Alice.

Alice tendit la main à son amant, qui, franchissant avec l’ardeur d’un jeune lévrier les obstacles d’un sentier raboteux, vint saisir