dit Peveril ; au reste, j’avoue franchement que je voudrais, si cela pouvait s’accorder avec mon honneur et votre sécurité, avoir deux heures à ma disposition, d’autant plus que la manière dont j’emploierai ce temps ne sera peut-être pas sans quelque utilité pour la tranquillité de l’île. — C’est très-vraisemblable, j’ose le dire, » répliqua le comte en riant ; je parierais que vous êtes mandé par quelque politique lady Wouldbe[1] pour discuter sur les lois de Cythère. Mais ne vous inquiétez de rien : partez, et partez promptement, afin de revenir aussi vite que vous le pourrez. Je ne m’attends pas à une explosion soudaine de la grande conspiration. Quand ces coquins verront que nous sommes sur nos gardes, ils y regarderont à deux fois avant d’éclater. Seulement, je vous le répète, hâtez-vous. »
Peveril se promit de suivre cet avis, et, content de pouvoir se débarrasser des railleries de son cousin, il se dirigea vers la porte du château, dans l’intention de passer par le village, et d’y prendre son cheval pour courir au rendez-vous.
CHAPITRE XVI.
LA SOURDE ET MUETTE.
Sur la plate-forme de l’escalier qui conduisait à l’entrée difficile et bien défendue du château d’Holm-Peel, Julien fut arrêté tout à coup par la suivante de la comtesse. Cette jeune fille, une des plus sveltes et des plus petites créatures de l’espèce féminine, offrait dans toutes ses formes une perfection exquise ; le costume qu’elle portait ordinairement, et qui consistait en une tunique de soie verte, d’une forme toute particulière, contribuait encore à faire ressortir la grâce de ses proportions. Son teint était plus
- ↑ L’Auteur emploie ici comme nous l’expression anglaise would be, qui appartient au conditionnel du verbe être (to be). L’espèce de jeu de mots qui en résulte est à peu près intraduisible. a. m.