Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/201

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fassent. — De quoi s’agit-il ? » demanda Peveril d’un ton qui marquait une vive inquiétude.

« Il paraît, répondit le comte de Derby, que tous les deux ou trois ans, la vieille Angleterre est saisie d’un transport au cerveau, tant pour le bénéfice de ses docteurs, que pour sortir de cet assoupissement léthargique dû à la paix et à la prospérité ; elle est maintenant sur le point de devenir entièrement folle à propos d’un complot réel ou supposé de la part des papistes. J’ai lu un programme à ce sujet par un coquin nommé Oates, et il m’a paru d’une extravagance outrée. Mais ce rusé vaurien de Shaftesbury, et quelques autres parmi les plus grands, ont pris en main les rênes, et leur marche est si rapide que les harnais se rompent de tous côtés, et que les chevaux, fumant de fatigue, courent risque de crever. Le roi, qui a juré de ne jamais faire usage de l’oreiller sur lequel son père est allé s’endormir, temporise et cède à la force du courant qui l’entraîne. Le duc d’York, suspect et détesté à cause de sa religion, est au moment de se voir chassé sur le continent. Plusieurs des chefs catholiques sont déjà renfermés dans la Tour ; et la nation, semblable à un taureau que l’on court à Tutbury, est assaillie et irritée par tant de menaces, tant de pamphlets pestilentiels, qu’elle a mis sa queue entre les jambes, a montré les talons, a pris le mors aux dents, et est devenue aussi furieuse et aussi difficile à gouverner que dans l’année 1642. — Il y a déjà long-temps que vous devez savoir cela, dit Peveril ; je suis surpris que vous ne m’ayez pas encore parlé de nouvelles aussi importantes. — C’était de bien longs détails à vous conter, répondit lord Derby ; et d’ailleurs, je voulais voir seul ; de plus, j’étais sur le point de vous parler de tout cela lorsque ma mère est entrée ; et enfin c’était une affaire qui ne me concernait en rien. Mais ces dépêches du correspondant de ma toute politique mère changent la face des choses, car il paraît que certains délateurs (et ce métier est devenu si profitable que beaucoup de gens l’exercent) ont osé dénoncer la comtesse elle-même comme agent de ce même complot, et ont trouvé des personnes assez disposées à croire leurs rapports. — Sur mon honneur ! dit Peveril, vous prenez tous deux la chose avec bien du sang-froid ; et la comtesse principalement : car, à l’exception de son départ subit pour ce château, elle n’a donné aucun signe d’alarme, et elle ne semblait même pas plus pressée de communiquer cette nouvelle à Votre Seigneurie, que la convenance ne l’exigeait. — Ma bonne