Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/200

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mais je m’engage même à les lire depuis le commencement jusqu’à la fin, ainsi que les dépêches qui y sont jointes. »

Une mère est promptement apaisée, même quand elle est le plus offensée. Ce fut donc avec un cœur épanoui que la comtesse vit la belle figure de son fils prendre, tandis qu’il lisait ces papiers, une expression sérieuse qu’elle y voyait bien rarement. Elle trouvait alors que cette gravité lui donnait bien plus de ressemblance avec son brave et malheureux père. Le comte n’eut pas plus tôt lu les dépêches, ce qu’il fit avec la plus grande attention, que, se levant tout à coup, il dit : « Suivez-moi, Julien, » et se disposa à sortir de l’appartement.

La comtesse resta immobile d’étonnement. « J’étais habituée à prendre part aux délibérations de votre père, mon fils, dit-elle ; toutefois ne croyez pas que je veuille m’initier dans les vôtres malgré vous. Je suis trop heureuse de vous voir enfin prendre l’autorité, et satisfaire au devoir de penser par vous-même, comme depuis long-temps je vous sollicitais de le faire. Cependant l’expérience de celle qui pendant tant d’années a exercé pour vous cette même autorité ne saurait être inutile, je crois, dans l’affaire dont il s’agit. — Veuillez m’excuser, ma mère, » répondit le comte d’un air grave. « Ce n’est pas moi qui ai cherché à intervenir là-dedans. Si vous aviez agi comme à votre ordinaire, sans me consulter, je l’aurais trouvé bien ; mais puisque j’ai pris connaissance de cette affaire, qui me paraît assez importante, je dois continuer à l’examiner du mieux que ma propre habileté me le permettra. — Va donc, mon fils, dit la comtesse, et que le ciel t’éclaire de ses inspirations puisque tu refuses mes conseils ! J’ose croire, cousin Peveril, que vous lui conseillerez ce qui est dans l’intérêt de son honneur, en lui rappelant qu’il n’y a qu’un lâche qui abandonne ses droits, et un fou qui se fie à ses ennemis. »

Le comte ne répondit pas ; mais prenant Peveril par le bras, il sortit de l’appartement, le conduisit dans le sien par un escalier dérobé, et de là dans une tourelle qui donnait sur la mer, et où, au milieu des mugissements des vagues et de la mouette, il eut avec lui la conversation suivante :

« Il est fort heureux, Peveril, que j’aie pris connaissance de ces mandats. Ma mère joue le rôle de la reine de telle façon qu’il peut m’en coûter non seulement ma couronne, qui est la chose à laquelle je tiens le moins, mais encore ma tête, dont je trouverais fort incommode d’être privé, quelque peu de cas que les autres en