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son regard soupçonneux, pendant qu’il m’interrogeait avec ces paroles du vieux Norton, dans la ballade du Soulèvement du Nord :

Que me demandes-tu, mon fils Francis Norton,
Mon plus jeune héritier ? pourquoi prendre ce ton ?
J’entrevois de l’humeur dans ton âme offensée ;
Quels qu’en soient les motifs, ouvre-moi ta pensée.

Dryasdust. Implorant donc votre indulgence paternelle pour ma présomption, je vous dirai que je soupirais à la pensée que vous alliez peut-être vous aventurer dans une société de critiques, pour qui, comme habiles antiquaires, la recherche de la vérité est un devoir, et qui par conséquent pourraient infliger la plus sévère censure à ces excursions qu’il vous plaît si souvent de faire hors du sentier de l’histoire véritable.

L’auteur. Je vous comprends : vous voulez dire que ces savants personnages auront peu de tolérance pour un roman ou un récit fictif basé sur l’histoire.

Dryasdust. C’est que je crains que leur respect pour les fondements ne soit tel, qu’il ne soient disposés à trouver à redire à la nature inconsistante de l’édifice ; de même que chaque voyageur classique se répand en expressions de douleur et d’indignation, lorsqu’en traversant la Grèce il vient à apercevoir un kiosque turc s’élevant sur les ruines d’un ancien temple.

L’auteur. Mais puisque nous ne pouvons rebâtir le temple, un kiosque peut être une jolie chose, n’est-il pas vrai ? peu correct dans son architecture, strictement et classiquement parlant ; mais offrant quelque chose d’extraordinaire à l’œil, et de fantastique à l’imagination, que le spectateur considère avec un plaisir égal à celui qui naît de la lecture d’un conte oriental.

Dryasdust. Je suis incapable de lutter avec vous en métaphores, monsieur ; mais je dois dire, pour la décharge de ma conscience, que vous êtes très fort blâmé de corrompre les sources pures des connaissances historiques. Vous en approchez, dit-on, comme ce campagnard ivre, qui autrefois souilla le cristal de la source où se désaltérait sa famille en y jetant une vingtaine de pains de sucre et une barrique de Rhum, et par là convertit un breuvage simple et bienfaisant en un fluide enivrant, stupéfiant et abrutissant ; plus agréable, il est vrai, au goût que le breuvage naturel, mais par cette raison même plus séduisant et plus dangereux.

L’auteur. Je reconnais la justesse de votre métaphore, docteur ; néanmoins, quoiqu’un bon punch ne puisse pas suppléer au manque d’une source vive, c’est, lorsqu’on en use modéré-