Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/196

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Greenhalgh est arrivé avec de mauvaises nouvelles. — Il est certain qu’il ne m’a rien apporté d’agréable, dit le comte ; j’attendais quelques nouveautés de Saint-Evremond ou d’Hamilton, quelque nouvelle comédie de Dryden ou de Lee, quelques malices, quelques satires du café de la Rose ; et le drôle ne m’a apporté qu’un paquet de traités relatifs aux protestants et aux papistes, et un in-folio des billevesées que cette vieille folle, la duchesse de Newcastle, appelle ses conceptions. — Paix milord, pour l’amour du ciel ! dit Peveril ; voici la comtesse, et vous savez comme elle prend feu au moindre sarcasme contre son ancienne amie. — Qu’elle se charge donc, répondit le comte, de lire les œuvres incomparables de son ancienne amie, et qu’elle la juge aussi savante qu’elle le voudra : quant à moi, je ne donnerais ni une chanson de Waller, ni une satire de Denham, pour une pleine charretée des niaiseries de Sa Grâce. Mais voici notre mère : remarquez-vous son front chargé de nuages ? »

La comtesse de Derby entra en ce moment, tenant dans sa main une liasse de papiers. Elle avait un vêtement de deuil dont la longue queue de velours noir était portée par une petite suivante favorite, jeune fille sourde et muette, que la comtesse, par pitié pour ses malheurs, avait prise à son service et avait fait élever auprès d’elle. Lady Derby, qui montrait presque en toutes choses la teinte romanesque de son esprit, avait donné à cette jeune infortunée le nom de Fenella, qui fut sans doute celui de quelque ancienne princesse de l’île. La comtesse était peu changée depuis l’époque où nous l’avons présentée au lecteur. L’âge avait rendu sa démarche plus lente, mais non moins majestueuse, et le temps, en traçant quelques rides sur son front, n’avait point affaibli l’éclat de ses yeux noirs. Les jeunes gens se levèrent à son aspect avec ces formes de cérémonie et de respect auxquelles ils savaient qu’elle tenait beaucoup, et elle les salua tous deux avec une égale bonté.

« Cousin Peveril, dit-elle (car elle avait coutume de nommer ainsi Julien, par respect pour sa mère qui était parente de son mari), vous avez eu tort de vous absenter hier au soir, car nous avions besoin de vos conseils. »

Julien répondit, sans pouvoir s’empêcher de rougir, que la chasse l’avait entraîné fort loin dans les montagnes ; qu’il était revenu tard à Castle-Town ; qu’informé du départ de Sa Seigneurie, il s’était hâté de rejoindre la famille à Holm-Peel ; mais qu’à