Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/190

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les armes contre eux. Pourtant vous ne m’entendrez jamais approuver ni même justifier la mort du roi, quoiqu’il l’eût méritée en violant son serment comme prince et comme magistrat. Je vous dis seulement ce que vous désirez savoir, que Richard Whalley, l’un des juges du feu roi, était l’homme dont je viens de parler. Je reconnus son front élevé, quoique le temps l’eût rendu plus chauve ; ses yeux avaient conservé tout leur éclat ; et bien que toute la partie inférieure de son visage fût couverte d’une longue barbe blanche, elle ne m’empêcha pas de le reconnaître. La meute altérée de son sang fut long-temps à sa poursuite ; mais, grâce au secours des amis que le ciel avait suscités pour le sauver, il put se dérober à toutes les recherches, et ne reparut un moment que pour exécuter les desseins de la Providence, dans le combat dont je vous ai parlé. Peut-être sa voix se ferait-elle entendre encore sur le champ de bataille, si l’Angleterre avait besoin de l’un de ses cœurs les plus nobles et les plus dévoués. — À Dieu ne plaise ! dirai-je à mon tour comme vous, s’écria Juhen. — Amen ! répondit le major : puisse Dieu détourner de nous le fléau de la guerre civile, et pardonner à ceux dont le délire et la folie pourraient le ramener. »

Il y eut alors un long moment de silence, pendant lequel Julien, qui avait à peine osé lever les yeux sur Alice, jeta à la dérobée un regard vers elle, et fut frappé de l’air de profonde tristesse répandu sur tous ses traits, dont l’expression naturelle était celle de l’enjouement, sinon de la gaieté. À peine eut-elle rencontré ce regard, qu’elle fit observer, et avec une intention marquée (du moins Julien le crut ainsi), que les ombres s’allongeaient, et que la nuit n’était pas éloignée.

Il comprit, et quoique certain qu’elle lui donnait ainsi l’avis de se retirer, il ne put, dans le moment, s’armer de toute la résolution nécessaire pour rompre le charme qui le retenait. Le langage de Bridgenorth était non-seulement si nouveau pour lui, mais encore si alarmant et si contraire aux principes dans lesquels il avait été élevé, que, comme fils de sir Geoffrey Peveril du Pic, il se serait cru obligé, dans toute autre circonstance, de combattre les conclusions du major, même à la pointe de l’épée. Mais le major énonçait ses opinions avec tant de sang-froid ; elles paraissaient tellement le résultat de sa conviction, que, si elles frappèrent Julien de quelque étonnement, elles ne l’excitèrent point à contredire avec aigreur. Il y avait dans tout ce que disait cet