Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/164

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blable à celle que je leur présenterai. Adieu, Alice, adieu ! mais pour peu de temps. — Adieu ! répéta-t-elle, adieu pour toujours ! »

Une semaine après cette entrevue, Julien était au château de Martindale, dans le dessein de communiquer son projet à ses parents. Mais la tâche qui semble facile de loin devient difficile à mesure que le moment de l’exécution approche, semblable au passage d’une rivière, qui, vue d’une certaine distance, ne paraissait qu’un ruisseau. Les occasions d’entamer le sujet qu’il avait tant à cœur ne manquèrent pas ; car, dans la première promenade qu’il fit avec son père, le bon chevalier remit sur le tapis la question du mariage, le laissant entièrement libre sur le choix d’une épouse, pourvu qu’elle fût d’une famille loyale et honorable : « Si elle est riche, dit-il, ce sera bien, et même ce sera mieux que bien ; si elle ne l’est pas, il reste encore quelques os à ronger dans le vieux domaine de Martindale, et dame Marguerite et moi nous saurons nous contenter de la part la plus petite. Je suis devenu économe, Julien ; tu vois sur quelle lourde haridelle du Nord je suis monté ; c’est une misérable bête bien différente, ma foi, de mon vieux Black-Hastings, qui n’avait qu’un seul défaut, celui de vouloir toujours tourner vers l’avenue de Moultrassie-House. — Était-ce donc un si grand défaut, mon père ? » demanda Julien d’un air d’indifférence affectée, tandis que son cœur battait de manière à lui couper la voix.

« Oui, parce que cela me rappelait ce vil, ce lâche presbytérien, ce Bridgenorth, dit sir Geoffroy ; j’aimerais autant entendre parler d’un crapaud venimeux. On dit qu’il s’est fait indépendant pour mettre le comble à sa mauvaise conduite passée. Sachez, Gill, que j’ai renvoyé le gardeur de vaches, rien que parce qu’il avait ramassé des noisettes dans ses bois. Je ferais pendre un chien qui tuerait un lièvre sur ses terres… Mais qu’avez-vous, Julien ? vous pâlissez. »

Julien fit une réponse insignifiante ; mais il comprit trop bien, d’après le ton et le langage de son père, que ses préventions contre celui d’Alice étaient profondes et envenimées, comme le sont souvent celles des gentilshommes campagnards qui, n’ayant que fort peu de choses à faire et à penser, ne sont que trop disposés, pour occuper leur temps, à nourrir de misérables querelles avec leurs voisins.

Dans le cours de la même journée, il trouva l’occasion de nommer les Bridgenorth à sa mère, comme par hasard ; mais aussi-