Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/151

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une oie qui se pâme, qu’elle eût enfin épuisé ses minauderies, et voulût bien commencer la conversation.

« Ces promenades me feront mourir, monsieur Julien Peveril ; et tout cela à cause de vous. Il est certain que, si dame Christian apprenait que vous vous avisez de faire des visites à sa nièce, miss Alice et moi nous serions obligées de chercher gîte ailleurs. — Allons, mistress Deborah, allons, un peu de bonne humeur, dit Julien ; considérez une chose, notre intimité n’est-elle pas votre ouvrage ? N’est-ce pas vous qui vous êtes fait connaître à moi, lorsque la première fois je vins dans cette vallée, ma ligne à la main ? N’est-ce pas vous qui m’avez rappelé que vous aviez été la première gardienne de mon enfance, et qu’Alice avait été la compagne de mes jeux ? Et n’était-il pas naturel que je revinsse voir le plus souvent possible deux personnes dont la présence ne pouvait manquer de m’être chère ? — Oui, sans doute, répondit Deborah ; mais je ne vous ai pas dit de devenir amoureux de l’une de nous, et d’agiter la question du mariage, soit pour elle, soit pour moi. — Cela est vrai, mistress Deborah ; il faut vous rendre justice à cet égard : vous ne me l’avez jamais dit. Mais qu’importe ? ces choses-là viennent avant qu’on y ait songé. Je suis sûr que vous avez reçu cinquante propositions de ce genre quand vous vous y attendiez le moins. — Fi ! fi, monsieur Julien Peveril, dit la gouvernante ; je vous prie de croire que je me suis toujours conduite de manière que les plus fins du pays y auraient pensé deux fois avant de me parler, et auraient réfléchi à la manière dont ils allaient s’y prendre avant de me faire de pareilles propositions. — C’est très-vrai, mistress Deborah, c’est très-vrai, continua Julien ; mais tout le monde n’a pas votre prudence. D’ailleurs, Alice Bridgenorth est une enfant, une véritable enfant ; et n’a-t-on pas l’habitude en général de dire à une enfant comme elle : Voulez-vous être ma petite femme ? Allons, je sais bien que vous me pardonnerez, car vous êtes la meilleure personne du monde ; et vous savez bien que vous avez dit vingt fois que nous étions faits l’un pour l’autre. — Non, monsieur Julien, non, s’écria Deborah ; je peux, il est vrai, avoir dit que vos propriétés étaient faites pour être réunies ; et certainement rien n’est plus naturel à une femme qui sort comme moi d’une vieille souche d’honnêtes vassaux de Peveril du Pic, que de souhaiter de voir ces riches domaines reprendre leurs anciennes limites ; ce qui nécessairement arriverait si vous épousiez Alice Bridgenorth. Mais il y a