Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/141

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pice ; laissez-moi donc vous mettre en garde contre un danger plus grand encore. Mais comment agir sur votre esprit incrédule ? Vous dirai-je que la dette du sang répandu par la maison de Derby reste encore à payer ? et persisteras-tu, femme, à envoyer ton fils parmi ceux de qui on en exigera le paiement ? — Vous cherchez vainement à m’alarmer, répondit lady Peveril ; quelle peine peut-on imposer à la comtesse pour une action téméraire, il est vrai, mais dont elle a été punie il y a déjà long-temps par une amende ? — Vous vous trompez, » reprit-il d’une voix sévère. « Croyez-vous qu’une misérable somme d’argent donnée pour satisfaire les débauches de Charles puisse expier la mort d’un homme tel que Christian, d’un homme également précieux au ciel et à la terre ? Ce n’est pas à de pareilles conditions que le sang du juste doit être répandu. Chaque heure de délai est comptée comme un surcroît d’intérêt à l’énorme dette dont le paiement sera exigé un jour de cette femme altérée de sang. »

En ce moment un bruit de chevaux se fit entendre au loin sur le chemin où avait lieu ce singulier dialogue. Bridgenorth s’arrêta pour écouter. « Oubliez que vous m’avez vu, » dit-il précipitamment ; « ne citez mon nom ni à ce que vous avez de plus proche, ni à ce que vous avez de plus cher. Renfermez mes conseils dans le secret de votre cœur ; profitez-en, et vous vous en féliciterez. »

À ces mots, il s’éloigna tout à coup, et, se glissant par une des ouvertures de la haie qui bordait la route, il s’enfonça dans l’obscurité du taillis.

Le bruit des chevaux qui s’avançaient au grand trop augmentait à chaque instant, et lady Peveril aperçut bientôt, quoique indistinctement, plusieurs cavaliers qui descendaient la colline. Ils l’aperçurent également, et deux d’entre eux, prenant le galop, arrivèrent près d’elle en criant : « Halte ! qui va là ? » Mais le plus rapproché s’écria aussitôt : « Merci de ma vie, c’est notre maîtresse ! » De son côté, lady Peveril reconnut en lui un de ses domestiques. Son mari, qui survint au même instant, lui dit avec surprise : « Quoi ! c’est vous, dame Marguerite ? Que faites-vous si loin du château et à une heure si avancée ? »

Lady Peveril lui raconta la visite à la chaumière, mais ne jugea pas nécessaire de lui parler de son entrevue avec le major Bridgenorth, dans la crainte, peut-être, que cet incident ne déplût à son mari.

« La charité est une belle et bonne chose, répondit sir Geoffrey ;