Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/140

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gueillit. C’est la nouvelle du pays ; est-elle vraie ? — Je ne vous reprocherai pas, monsieur Bridgenorth, la rigueur avec laquelle vous jugez ma cousine de Derby, dit lady Peveril, et je ne chercherai point à justifier l’acte cruel dont elle s’est rendue coupable ; néanmoins l’opinion de mon mari, et la mienne par conséquent, sont que Julien pourra dans sa maison, avec le jeune comte de Derby, recevoir l’instruction et acquérir les talents convenables à sa naissance. — Sous la malédiction de Dieu et la bénédiction du pape de Rome, s’écria Bridgenorth ; vous, milady, si clairvoyante, si prudente dans tout ce qui concerne les affaires de ce monde, êtes-vous donc assez aveugle pour ne pas voir le pas gigantesque que Rome se prépare à faire pour reconquérir ce pays, jadis le plus riche joyau de sa tiare usurpée ? La vieillesse est facile à séduire par Tor, la jeunesse par le plaisir, le faible par la flatterie, le lâche par la crainte, et le brave par la gloire : il y a des appâts pour toutes les passions, pour tous les goûts, et chaque appât cache un hameçon mortel. — Je sais, monsieur Bridgenorth, répondit lady Peveril, que ma parente est catholique ; mais son fils est élevé dans les principes de l’Église anglicane, conformément à la recommandation de feu son époux. — Est-il vraisemblable, répondit Bridgenorth, que celle qui n’a pas craint de répandre le sang du juste, sur le champ de bataille ainsi que sur l’échafaud, ait beaucoup d’égards pour une promesse que sa religion l’autorise à violer ? Et quand même elle la remplirait fidèlement, votre fils y aura-t-il gagné beaucoup s’il reste dans le bourbier où est enfoncé son père ? Les dogmes de vos évêques sont-ils autre chose que du pur papisme ? La seule différence, c’est que vous avez pris pour pape un tyran temporel, et substitué une messe en anglais à celle que vos prédécesseurs disaient en latin. Mais pourquoi parler de toutes ces choses à une femme qui a des yeux pour ne point voir, et des oreilles pour ne point entendre ce qui seul est digne d’être vu et entendu ? Quel dommage que celle qui a reçu du ciel des formes si belles, un cœur si parfait, soit sourde, aveugle et ignorante comme tout ce qui tient à ce monde périssable ! — Nous ne saurions être d’accord sur un tel sujet, monsieur Bridgenorth, » dit lady Peveril, plus impatiente que jamais d’échapper à un entretien aussi étrange, quoiqu’elle ne sût trop ce qu’elle avait à redouter ; « encore une fois, permettez que je vous dise adieu. — Un moment ! » dit-il en posant de nouveau la main sur son bras. « Je vous arrêterais si je vous voyais sur le bord d’un préci-