Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/14

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comme vous nommez très-bien l’apparition de notre père commun, me semblèrent plus déterminés et plus distincts qu’il ne vous avait été donné de les voir à sa première visite. Nous en parlerons plus loin ; mais le ciel me préserve de me glorifier ou de prétendre à aucune supériorité sur les autres descendants de notre père commun, pour en avoir reçu ces marques décidées de préférence ! Laus propria sordet[1]. Je suis bien convaincu que cet honneur a été accordé, non pas à ma personne, mais à mon habit ; que cette préférence n’a pas élevé Jonas Dryasdust au-dessus de Clutterbuck, mais le docteur en théologie au-dessus du capitaine : Cedant arma togœ[2], maxime que l’on ne doit oublier en aucun temps, et qu’il convient surtout de se rappeler quand le militaire est en demi-solde.

Mais je songe que je vous tiens pendant tout ce temps sous le porche ; et vous fatigue de longues inductions, lorsque vous voudriez me voir properare in mediam rem[3]. Qu’il en soit selon que vous le voulez ; car, comme Sa Grâce dit de moi avec esprit : « Personne ne raconte aussi bien une histoire que Dryasdust, lorsqu’il est une fois arrivé au point d’où il faut partir » jocosè hoc[4]. Mais, pour en revenir à mon récit, j’avais goûté le charme[5] de la narration que j’avais reçue il y a environ une semaine, et cela avec beaucoup de peine et de difficulté ; car l’écriture de notre père commun est devenue si fine et si griffonnée que j’étais obligé de me servir d’une forte loupe. Sentant mes yeux un peu fatigués vers la fin du second volume, je me penchai en arrière dans mon fauteuil, et commençai à examiner si plusieurs des objections qui ont été particulièrement mises en avant contre notre père et patron ne pouvaient pas être considérées comme s’appliquant d’une manière spéciale aux papiers que je venais de lire. « Il y a là assez de fictions, me disais-je à moi-même, pour embrouiller la marche de toute une histoire, assez d’anachronismes pour bouleverser toute la chronologie ! le vieillard a rompu tout frein : abiit, evasit crupit.[6].

  1. Les louanges que nous nous donnons déplaisent. a. m.
  2. Que les gens de guerre cèdent le pas aux gens de robe. a. m.
  3. Se hâter d’arriver au fait ou d’entrer en matière. a. m.
  4. Ceci est dit en plaisantant. a. m.
  5. I had skimmed the cream of the narrative, dit le texte : J’avais enlevé la crème de la narration. a. m.
  6. Il est parti, s’est échappé, a fait irruption. a. m.