Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



CHAPITRE X.

LE REVENANT.


Cléopâtre. Donnez-moi de la mandragore à boire, afin que je puisse endormir ce temps dont le vide et l’ennui me dévorent.
Shakspeare. Antoine et Cléopâtre.


Après l’époque sur laquelle nous nous sommes amplement étendus, il se passa, comme nous l’avons dit à la fin du dernier chapitre, quatre ou cinq années dont les événements sans importance peuvent être racontés en quelques lignes. Le chevalier et sa femme continuèrent à résider au château de Martindale. Lady Peveril, à force de patience et de soin, tâchait de réparer la brèche que les guerres civiles avaient faite à leur fortune, et elle murmurait quelquefois lorsque ses plans d’économie se trouvaient dérangés par l’hospitalité généreuse de son mari, principal motif de la dépense. Il tenait à cette hospitalité non seulement par bonté de cœur, mais encore par le désir de soutenir la dignité de ses ancêtres, qui jadis s’étaient rendus aussi célèbres, selon les traditions de l’office, de la cuisine et du cellier, par les bœufs gras qu’ils faisaient rôtir et l’excellente bière qu’ils brassaient, que par l’étendue de leurs domaines et le nombre de leurs vassaux.

Au total, ce digne couple était heureux et vivait dans l’aisance. Il est vrai que la dette de sir Geoffrey envers son voisin Bridgenorth n’avait pas encore été remboursée ; mais il était le seul créancier du domaine de Martindale, tous les autres ayant été payés. Il aurait été à désirer que le major le fût aussi, et c’était le grand but auquel tendaient toutes les économies de dame Marguerite ; car, bien que les intérêts fussent régulièrement payés à maître Win-the-fight, le procureur de Chesterfield, le capital, qui était considérable, pouvait être réclamé dans un moment où on serait en peine de rembourser. Cet homme d’ailleurs était sombre, dissimulé, mystérieux, et il paraissait toujours se souvenir du coup que sa tête avait reçue dans le cimetière de l’église de Moultrassie.

Quelquefois dame Marguerite traitait directement ses affaires avec lui, et lorsqu’il venait au château, elle croyait remarquer sur sa figure et dans ses manières une expression de désobligeance