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quité, cependant je n’aime pas que les spectres ou fantômes se fassent commentateurs ; et véritablement le récit de votre conversation avec notre illustre aïeul dans la crypte, ou cabinet le plus secret des éditeurs d’Édimbourg, produisit presque sur moi le même effet que l’apparition de l’ombre d’Hector sur le héros de l’Énéide :

Obstupui, steteruntque comæ[1]

Je le répète, j’ai été surpris de cette vision, sans vous envier le plaisir d’avoir vu notre illustre père. Mais il paraît à présent qu’il lui est permis de se montrer à sa famille plus librement qu’autrefois, ou que le digne vieillard est devenu un peu plus causeur dans ces derniers temps. Bref, pour que votre patience ne s’épuise pas en conjectures, j’ai moi-même été favorisé de la vision de l’auteur de Waverley. Ne pensez pas que je veuille mal à propos m’en faire accroire, si j’ajoute que cette entrevue a été marquée par des circonstances où se montre une condescendance en quelque sorte plus formelle que dans celles qui accompagnèrent votre conférence avec lui chez nos dignes éditeurs ; car la vôtre avait l’air d’une rencontre fortuite, tandis que la mienne fut précédée de la communication d’un gros rouleau de papier, contenant une nouvelle histoire intitulée Peveril du Pic.

Je ne me fus pas plus tôt aperçu que ce manuscrit consistait en un récit de la longueur de peut-être trois cents pages par volume, ou environ, que je compris tout de suite de qui me venait cette faveur ; et m’étant mis à en parcourir les feuilles, je commençai à concevoir de fortes espérances que je pourrais bien en voir incessamment l’auteur lui-même.

De plus, je regarde comme une circonstance remarquable que, tandis qu’une pièce placée au fond du magasin de M. Constable[2] fut regardée comme un lieu d’une solennité suffisante pour votre audience, notre vénérable doyen se plut à m’accorder la mienne dans l’endroit le plus retiré de mes propres appartements, intra parietes[3] pour ainsi dire, et à l’abri de toute interruption. Je dois aussi faire remarquer que les traits, la forme et les vêtements de l’eidolon[4],

  1. Vers du deuxième livre :
    Obstupui, steteruntque comœ, et vox faucibus hæsit,

    que Delille a ainsi rendu :
    Je frémis, ma voix meurt et mes cheveux se dressent.

    a. m.
  2. Fameux libraire, éditeur des Œuvres de Walter Scott et autres, à Édimbourg. a. m.
  3. Dans l’intérieur des murs, ou dans la maison. a. m.
  4. Du grec, εἲδολον, image, apparition, fantôme ; d’où vient notre mot idole, parce que, dans les auteurs sacrés, il signifie une statue consacrée à une divinité et honorée d’un culte. a. m.