Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/128

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et l’on vit une larme de colère et de honte couler sur sa joue. « Il porte cette réponse au château de Martindale, » s’écria-t-il avec amertume, « et les hommes ne songeront plus à moi que comme à un misérable, battu, déshonoré, que comme à un lâche que chacun peut bafouer et insulter à son gré ! Ah ! je fais bien d’abandonner la maison de mon père ! »

Maître Solsgrace s’avança vers son ami, et d’un mouvement sympathique il saisit sa main. « Noble frère ! » lui dit-il avec une expression de sensibilité qui ne lui était pas ordinaire, « bien que je sois un homme de paix, je sais apprécier ce qu’un tel sacrifice a dû coûter à ton âme mâle et fière. Mais notre soumission aux décrets du ciel ne doit pas être imparfaite. Nous ne devons pas, comme Ananias et Saphira, nous réserver le moindre privilège coupable, le moindre péché favori, lorsque nous prétendons immoler toutes nos affections mondaines. À quoi nous servirait de dire que nous n’avons mis en réserve que bien peu de chose, si ce peu est coupable et maudit ? Crois-tu te justifier dans tes prières en disant : Je n’ai tué cet homme ni pour l’amour du gain comme un voleur, ni pour acquérir du pouvoir comme un tyran, ni pour satisfaire ma vengeance comme un sauvage plongé dans les ténèbres ; mais parce que la voix impérieuse de l’honneur mondain me disait : Va, tue ou sois tué ? Penses-y bien, mon digne ami, et vois si une telle justification serait acceptable aux yeux de Dieu, et, si tu trembles à la seule idée du blasphème renfermé dans une semblable excuse, souviens-toi de remercier le ciel qui t’a donné la force de résister à la tentation. — Cher et respectable ami, répondit Bridgenorth, je sais que votre langage est celui de la vérité, le précepte qui ordonne au vieil Adam de souffrir la honte est plus difficile, plus pénible à mettre en pratique que celui qui lui ordonne de combattre vaillamment pour la vérité. Mais je me considère comme heureux, si pendant mon triste pèlerinage dans le désert de ce monde, il m’est permis de croire que, quelque temps au moins, le zèle et l’amitié d’un compagnon tel que vous soutiendront ma faiblesse. »

Tandis que les habitants de Moultrassie-House raisonnaient ainsi au sujet de la visite de sir Jasper Crambourne, le bon chevalier causait à sir Geoffrey une surprise extrême, en lui apprenant la manière dont son ambassade avait été reçue.

« Je l’avais pris pour un homme d’une autre trempe, dit sir Geoffrey, et je l’aurais même juré si quelqu’un m’eût demandé