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livres de théologie les plus précieux, la perte de son chapeau, de sa robe et de son rabat, et celle de deux barils d’excellente ale, ne fussent un signe de la vengeance du ciel et le juste châtiment de ce funeste dîner de Martindale-Castle, qui était, ajouta-t-il, un appel à la paix, quand il n’y avait aucune paix à espérer, un festin sous la tente de Satan.

L’esprit du major était fortement empreint d’une dévotion que ses dernières infortunes avaient rendue plus profonde et plus austère. Il n’est donc pas étonnant qu’à force d’entendre répéter à chaque instant de tels raisonnements par un homme qu’il respectait et qu’il considérait comme martyr de leur cause commune, il commençât à désapprouver sa propre conduite, et à soupçonner qu’il avait pu se laisser aveugler par sa reconnaissance envers lady Peveril, par ses arguments spécieux en faveur de la tolérance et de la libéralité des sentiments, et que de telles séductions avaient pu lui faire commettre une action tendant à compromettre ses principes politiques et religieux.

Un matin que Bridgenorth, fatigué de divers détails relatifs à l’arrangement de ses affaires, se reposait dans son fauteuil de cuir, près de la fenêtre à treillage, position qui, par un retour d’idées assez naturel, lui rappelait le souvenir des temps passés et de cette douce impatience avec laquelle chaque matin il attendait la visite de sir Geoffrey et les nouvelles de son enfant : « Certainement, » dit-il à haute voix, en répondant à sa pensée, « il n’y avait point de péché dans l’amitié avec laquelle je considérais cet homme. »

Solsgrace, qui était dans l’appartement, et qui soupçonnait ce qui se passait dans l’esprit de son ami, dont il connaissait en détail toute l’histoire, répondit aussitôt : « Lorsque Dieu ordonna aux corbeaux de nourrir Élisée pendant qu’il était caché près du ruisseau de Cherith, nous n’avons pas entendu dire qu’il eut caressé ces oiseaux impurs, qu’un miracle forçait, contre leur nature, à pourvoir à ses besoins. — Cela se peut, répondit Bridgenorth, mais le bruit de leurs ailes devait être aussi agréable à l’oreille du prophète affamé, que l’était à la mienne le bruit des pas du cheval qui s’avançait vers moi. Les corbeaux revenaient sans doute à leur nature sauvage dès que ce moment était passé… Il en a été ainsi de lui !… Mais écoutez ! » s’écria-t-il en tressaillant, « j’entends encore le pas de son cheval. »

Il était rare que les échos de cette maison silencieuse et de