Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/116

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Lady Peveril, par une affection sincère et un jugement très-sain, avait plus de droits à la confiance entière de son mari qu’aucune femme du Derbyshire ; et pour dire la vérité, elle était plus impatiente de connaître ses desseins en ce moment, qu’elle ne se le permettait d’ordinaire, tant elle avait le sentiment de leurs devoirs mutuels et distincts ! Elle ne pouvait imaginer quel était ce moyen de réconciliation trouvé par sir Geoffrey, qui n’était pas un juge très-habile et très-fin de l’espèce humaine ; elle ne concevait pas pour quel motif il ne voulait point le lui découvrir, et elle n’était pas sans craindre que ce moyen, dont il faisait un mystère, ne fût plus propre à élargir la plaie qu’à la fermer. Mais sir Geoffrey évita de s’expliquer plus clairement. Il avait été assez long-temps colonel d’un régiment en campagne, pour apprécier le droit de commander chez lui en maître absolu ; et à toutes les questions indirectes que lui fit lady Peveril avec une adresse ingénue, il répondit seulement : « Patience, dame Marguerite, patience ! cette affaire n’est point de ton ressort : tu la sauras quand il en sera temps. Va voir Julien. Ce garçon-là ne finira-t-il jamais de pleurer pour ce petit rejeton de tête-ronde ? Au surplus, dis-lui que d’ici à deux ou trois jours Alice sera de retour parmi nous, et que tout ira comme par le passé. »

À peine le bon chevalier finissait-il de parler, qu’on entendit dans la cour le son du cor d’un postillon, et au même instant un domestique entra et lui remit un gros paquet adressé à l’honorable sir Geoffrey Peveril, juge de paix (car ce titre lui avait été conféré aussitôt après la restauration du roi). En ouvrant le paquet, ce qu’il fit avec un air de gravité qui indiquait combien il était pénétré de son importance, il trouva le warrant qu’il avait sollicité pour le rétablissement du docteur Dummerar dans la paroisse dont on l’avait expulsé par la violence pendant l’usurpation.

Peu d’incidents pouvaient causer plus de satisfaction à sir Geoffrey. Il pardonnait volontiers à un sectaire robuste et audacieux de vouloir prouver sur le champ de bataille le mérite de ses doctrines, en déchargeant des coups vigoureux sur les casques et les cuirasses des cavaliers ; mais il se rappelait avec plus d’amertume et un ressentiment beaucoup plus vif l’entrée triomphante et insultante de Hugue Peters dans son château par la brèche ; et depuis ce temps, sans faire la moindre distinction entre les sectaires et leurs ministres, il regardait tous ceux qui montaient en chaire sans le warrant de l’Église d’Angleterre, et