Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son de mon père, et y parler insolemment selon leur bon plaisir, c’est ce que jamais je n’aurais permis, même quand il portait la tête si haut ! Jamais, dans les temps les plus désastreux, ils n’ont pu entrer à Martindale-Castle que par la brèche que le canon de Noll y a faite. Mais qu’ils soient venus y entonner leurs psalmodies quand le bon roi Charles est de retour !… par ma main droite, Marguerite en entendra parler ! »

Mais en dépit de cette résolution prise dans un mouvement de colère, tout ressentiment s’évanouit dans le cœur du bon chevalier, quand il aperçut le beau visage de sa femme briller de tendresse et de joie à son aspect. En la serrant dans ses bras et en l’embrassant, il sentit qu’il lui avait pardonné sa faute avant de lui en avoir parlé.

« Tu m’as joué un tour, Meg, » lui dit-il en secouant la tête et en souriant en même temps, « et tu sais ce que je veux dire ; mais tu es une véritable femme tout en Dieu, et tu n’as agi dans toute cette affaire que dans la folle idée de maintenir en paix ces coquins de têtes-rondes. Mais n’en parlons plus. J’aimerais mieux voir le château de Martindale déchiré encore une fois par leurs boulets, que de recevoir de nouveau ces misérables sous le toit de l’amitié. J’excepte toutefois Ralph Bridgenorth, quand la raison lui sera revenue. »

Lady Peveril se vit alors dans la nécessité de raconter ce qu’elle avait appris du major, la disparition de sa fille et de la gouvernante, et elle lui remit la lettre de Bridgenorth. Sir Geoffrey secoua d’abord la tête, puis il se prit à rire de tout son cœur de l’idée qu’il existait quelque intrigue amoureuse entre le puritain et mistress Deborah.

« Ce serait là une fin digne d’un fanatique comme lui, dit-il, que d’épouser sa servante ou celle de quelque autre. Deborah est une assez gentille créature et encore assez éloignée de la trentaine, si je ne me trompe. — En vérité, dit lady Peveril, vous n’êtes pas plus charitable qu’Ellesmère ; je ne vois dans tout cela qu’une preuve de la tendresse qu’il a pour sa fille. — Bah ! s’écria le chevalier, les femmes ne songent qu’aux enfants ; mais parmi les hommes, Marguerite, il y en a beaucoup qui ne les caressent que pour pouvoir embrasser celle qui les porte ; et qu’y aurait-il de surprenant à cela ? où serait le grand mal quand Bridgenorth épouserait cette friponne ? Son père est un laboureur, et sa famille a toujours possédé la même ferme depuis la bataille de Bosworth ;