Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/112

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peine, comme l’on sait, par un service honnête et fidèle. Elle me prie ensuite de lui envoyer ses effets, comme si j’étais chargée de surveiller la garde-robe de Sa Seigneurie ! Et puis, elle recommande M. Julien à mes soins et à mon expérience, comme si j’avais besoin que ce cher petit bijou me fût recommandé… Mais je vais empaqueter ses haillons et les envoyer à Moultrassie-House, avec le certificat qu’elle mérite. — Écrivez lui avec politesse, je vous prie, dit lady Peveril, et dites à Wihtaker de lui envoyer ses gages, auxquels il ajoutera une pièce d’or ; car, bien qu’elle ait une tête assez légère, elle a toujours été bonne pour les enfants. — Je sais qui est bonne pour ses domestiques, milady, et qui gâterait par ses bontés la meilleure qui ait jamais attaché une épingle à une robe. — J’en ai gâté une bonne quand je t’ai gâtée, Ellesmère, dit lady Peveril. Mais retirez-vous, et allez écrire à Deborah d’embrasser la petite Alice pour moi, et d’offrir mes vœux au major Bridgenorth pour son bonheur dans ce monde et dans l’autre. »

À ces mots elle la congédia sans lui permettre d’autre observation et sans entrer dans plus de détails.

Lorsqu’Ellesmère se fut retirée, lady Peveril commença à réfléchir avec un vif sentiment de compassion sur la lettre du major Bridgenorth, homme dans lequel brillaient certainement plusieurs qualités excellentes, mais qu’une longue suite de malheurs domestiques et une dévotion sincère, mais exagérée, avaient jeté dans une douloureuse misanthropie ; elle eut aussi plus d’une inquiétude, plus d’une crainte pour le bonheur de la petite Alice, qui allait être élevée sous l’influence d’un tel père. Tout considéré, cependant, l’éloignement de Brigenorth était un événement plus désirable que fâcheux ; car, tant qu’il serait resté à Moultrassie-House, il était assez probable qu’une rencontre accidentelle entre lui et sir Geoffrey aurait donné lieu à quelque querelle plus funeste que la dernière.

Elle ne put s’empêcher en même temps d’exprimer au docteur Dummerar combien elle était surprise et affligée que tout ce qu’elle avait fait jusqu’alors pour entretenir la paix et la bonne intelligence entre les factions opposées eût produit, par l’effet de la fatalité, le contraire de ce qu’elle avait espéré.

« Sans ma malheureuse invitation, dit-elle, Bridgenorth ne serait pas venu au château le lendemain de la fête ; il n’aurait pas vu la comtesse ; il n’aurait pas encouru le ressentiment de mon mari,