Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/111

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aux affaires qui restent à régler entre sir Geoffrey et moi, j’en chargerai maître Joachim Win-the-Fight, procureur à Chester. C’est un homme probe et honnête ; il les arrangera selon les désirs de sir Geoffrey, autant du moins que pourront le permettre la justice et les lois ; car j’ose espérer que Dieu m’accordera la grâce de résister à la tentation de convertir les armes de la guerre charnelle en instruments de vengeance : je serais honteux de recourir à Mammon pour l’obtenir. Désirant, madame, que le Seigneur vous accorde toutes ses bénédictions, et surtout celle qui est supérieure à toutes les autres, la véritable connaissance de ses voies,

« Je demeure votre serviteur, tout dévoué,

Ralph Bridgenorth. »
Écrit à Moultrassie-House, le dixième jour de juillet 1660.


Dès que lady Peveril eut achevé la lecture de cette longue et singulière homélie, et dans laquelle il lui parut que son voisin montrait plus de fanatisme religieux qu’elle ne lui en avait supposé, elle leva les yeux sur Ellesmère, dont la contenance offrait un mélange de mortification et de mépris affecté. Fatiguée de chercher sur le visage de sa maîtresse la pensée dont celle-ci était préoccupée, elle résolut d’arriver à son but en s’exprimant sans aucun détour.

« Je suppose, milady, dit-elle, que ce fou de fanatique a l’intention d’épouser cette coureuse. On dit qu’il va quitter le pays. En vérité, il en est temps ; car, outre qu’il finissait par devenir pour tout le voisinage un objet de risée et de mépris, je ne serais pas surprise que Lance-Outram, le garde forestier, ne le coiffât quelque jour d’un bois de cerf ce qui serait un tour de son métier. — Vous n’avez pas grand sujet de vous livrer à ce dépit, Ellesmère, reprit lady Peveril ; dans la lettre que je viens de lire, il n’est nullement question de mariage : mais il paraît que maître Bridgenorth, étant sur le point de quitter ce pays, a engagé Deborah à entrer à son service pour prendre soin de son enfant, et j’en suis enchantée pour Alice. — Et moi, j’en suis charmée dans mon intérêt et dans celui de toute la maison, dit Ellesmère. Ainsi, milady pense qu’il n’est pas vraisemblable qu’il l’épouse ? Dans le fait, je ne pouvais concevoir qu’il fût assez idiot pour cela ; mais, au bout du compte, peut-être fera-t-il d’elle quelque chose de pis que sa femme ; car elle me dit ici qu’elle est sur le point d’obtenir une augmentation considérable, chose qui s’obtient à