Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/107

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La gouvernante, mistress Deborah, sortit ce jour-là comme à l’ordinaire avec les enfants, pour les faire promener dans le parc ; elle était suivie de Rachel, jeune fille qui les soignait et les surveillait sous ses ordres. Mais à l’heure ordinaire du déjeuner, elle n’était point revenue, et la dame Ellesmère, les lèvres un peu plus pincées que de coutume, entra dans l’appartement de sa maîtresse, pour annoncer que mistress Deborah n’avait pas encore jugé à propos de rentrer, bien que l’heure du déjeuner fût sur le point de sonner.

« Elle va sans doute revenir, » répondit lady Peveril avec un ton d’indifférence.

Ellesmère toussa d’une manière qui semblait indiquer un sentiment de doute et de méfiance, puis elle ajouta que Rachel était revenue avec le petit Julien, et que mistress Deborah avait dit qu’elle allait se promener avec miss Bridgenorth jusqu’à Moultrassie-House, point qui servait de limite entre les propriétés du major et celles de sir Geoffrey depuis le nouvel arrangement des choses.

« Est-elle devenue folle ! » s’écria lady Peveril avec un peu d’humeur. « Pourquoi n’obéit-elle pas à mes ordres en rentrant aux heures convenues ? — Elle pourrait bien être devenue folle, ou avoir acquis tout à coup trop d’esprit et de ruse, » dit Ellesmère d’un air mystérieusement significatif ; « et je crois qu’il serait bon que milady y fît quelque attention. — Faire attention à quoi ? Ellesmère, « reprit lady Peveril avec une sorte d’impatience. » Vous avez le ton d’un oracle ce matin. Si vous avez quelque chose à dire au désavantage de cette jeune fille, je vous prie de parler clairement. — À son désavantage ! milady ; je ne m’abaisserai point à médire de qui que ce soit, homme, femme ou enfant, comme il arrive assez souvent aux domestiques. Je souhaite que Votre Seigneurie veuille bien regarder autour d’elle, et faire usage de ses propres yeux : voilà tout. — Vous m’engagez à faire usage de mes yeux, Ellesmère, mais je soupçonne fort que vous aimeriez beaucoup mieux que je me servisse de vos lunettes. Au surplus, je vous ordonne, et vous savez que je veux être obéie, de me dire tout ce que vous savez ou ce que vous soupçonnez relativement à Deborah Debbitch. — Moi me servir de lunettes ! » s’écria la duègne indignée. « Milady voudra bien me pardonner ; mais jamais je n’en fis usage, si ce n’est d’une paire qui appartint jadis à ma pauvre mère, et que je ne mets