Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/105

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honnête, s’il ne s’était pas fait presbytérien. Mais il n’y a pas de franchise chez ces gens-là ; ils ne sauraient pardonner une chute sur l’herbe ; ils gardent de la rancune, et c’est ce que je déteste autant qu’un manteau noir et un bonnet de Genève à longues oreilles s’élevant de chaque côté de la tête comme deux cheminées aux extrémités d’une maison couverte de chaume. Ils sont en outre aussi rusés que le diable. C’est pourquoi, Lance-Outram, vous allez prendre deux hommes avec vous, et suivre ces presbytériens, de peur qu’ils ne nous tournent sur le flanc, et qu’ils ne se remettent sur les traces de la comtesse. — J’aimerais autant qu’ils fussent sur la piste de la biche blanche de milady, » répondit le garde forestier dans le style de sa profession. Il se hâta ensuite d’exécuter les ordres de son maître en suivant le major à une certaine distance, et en observant sa marche du haut des collines qui dominaient le pays. Mais il fut bientôt évident que l’ennemi ne projetait aucune manœuvre, et se dirigeait tranquillement vers le village. Lorsque sir Geoffrey en eut acquis la certitude, il congédia la plus grande partie de sa suite et se hâta d’aller rejoindre la comtesse.

Il nous suffira d’ajouter qu’il exécuta son projet d’escorter la comtesse jusqu’à Vale-Royal sans rencontrer aucun autre obstacle en chemin. Le seigneur de ce domaine se chargea de conduire sur-le-champ à Liverpool cette femme courageuse, et il la vit s’embarquer heureusement pour les états héréditaires de son fils, où il n’y avait aucun doute qu’elle ne vécût paisiblement jusqu’à ce qu’on eût obtenu quelque compromis relativement à l’accusation portée contre elle, d’avoir violé l’amnistie accordée par le roi en faisant périr Christian.

Mais il s’écoula un assez long-temps avant qu’une affaire si délicate pût être arrangée. Clarendon, alors à la tête du gouvernement de Charles II, considérait cet acte de violence, inspiré par des motifs qui trouvent, jusqu’à un certain point, leur excuse dans le cœur humain, comme de nature à troubler de nouveau l’Angleterre en excitant les doutes et les craintes de ceux qui avaient à redouter les conséquences de ce qu’on appelle, de notre temps, une réaction. D’une autre part, les hauts services de cette famille distinguée, le mérite de la comtesse, le souvenir de son intrépide mari, et les usages particuliers de la juridiction de son île de Man, qui plaçaient ce cas hors des règles ordinaires, plaidaient en sa faveur. Bref, la mort de Christian ne fut punie enfin