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nière qui s’accordait peu avec les relations d’amitié et de voisinage qu’ils entretenaient depuis si long-temps. Bridgenorth, beaucoup moins fort, beaucoup moins habile, fut bientôt renversé violemment de son cheval. Tandis que sir Geoffrey sautait à bas du sien, le parti de Bridgenorth et celui du chevalier accoururent, l’un pour secourir son chef, l’autre pour défendre le sien. Les sabres furent tirés hors du fourreau, les pistolets mis au poing ; mais sir Geoffrey, de la voix éclatante d’un héraut d’armes, ordonna aux deux partis de se séparer et de rester tranquilles.

Le poursuivant d’armes profita de cet instant, et trouva sans peine un prétexte pour ne pas persister dans l’accomplissement d’une mission qui lui paraissait si dangereuse. « Le warrant était détruit, disait-il ; c’était à ceux qui l’avaient déchiré à en répondre devant le conseil ; quant à lui, il n’en était plus porteur : il ne pouvait prendre sur lui d’aller plus loin. — Voilà qui est bien parler et en homme pacifique ! dit sir Geoffrey ; Whitaker, je te charge de le faire rafraîchir au château : sa bête est hors d’état d’aller plus loin. Allons, voisin, relevez-vous ; j’espère que vous ne vous êtes pas blessé dans cette folle équipée ; je n’aurais pas mis la main sur vous si vous n’aviez saisi votre pistolet.

En parlant ainsi, il aida le major à se relever, tandis que le poursuivant d’armes se retirait, ainsi que les officiers de police, lesquels n’étaient pas sans présumer intérieurement que, quoique sir Geoffrey se fût opposé directement à l’exécution de la loi, ce délit serait probablement déféré à des juges qui se montreraient favorables : d’où ils concluaient qu’il était bien moins dans leur intérêt de lui résister que de lui céder. Mais le reste de la troupe, qui se composait des amis de Bridgenorth et qui professaient les mêmes principes, ne céda pas un pouce de terrain malgré sa défaite ; et l’on put juger, d’après leurs regards sombres et leur contenance, qu’ils étaient fermement déterminés à régler leur conduite sur celle de leur chef, quelle qu’elle pût être.

Mais il était évident que Bridgenorth n’avait aucune envie de reprendre les hostilités. Il retira assez brusquement sa main de celle de Peveril, mais ce ne fut pas pour tirer son épée. Au contraire, il remonta sur son cheval d’un air morne et abattu, et, faisant signe aux gens de sa suite, il reprit le chemin par lequel il était venu.

Comme il s’éloignait, sir Geoffrey le regarda pendant quelques instants : « Voilà un homme, dit-il, qui eût toujours été droit et