Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/101

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mais il s’agit sans doute de quelque intrigue relative à cette comtesse de Derby. Je te le dis, il est nécessaire que mon maître soit informé de cela sur-le-champ. »

À ces mots et en dépit des prières de Lance-Outram, qui continuait à l’implorer en faveur de mistress Deborah, l’intendant piqua son cheval, alla joindre le corps principal, et raconta au chevalier et à la comtesse ce qu’il venait d’apprendre du garde forestier, ajoutant que, pour son compte, il soupçonnait maître Bridgenorth de Moultrassie-House de vouloir établir un système d’espionnage au château, soit dans la vue de satisfaire la vengeance dont il avait menacé la comtesse de Derby pour avoir fait périr son beau-frère, soit pour quelque autre dessein caché, mais très-probablement sinistre.

Cette nouvelle porta au plus haut point le ressentiment du chevalier du Pic. D’après les préventions de son parti, il supposait que la faction opposée ne demandait pas mieux que d’employer la ruse et l’intrigue, au défaut de la force, pour parvenir à son but ; et il en conclut, sans plus de réflexion, que son voisin, dont il avait toujours respecté et même quelquefois redouté la prudence, entretenait, dans quelque vues perfides, une correspondance clandestine avec quelqu’un de sa maison. Si cette intrigue était dirigée contre la noble comtesse, c’était une preuve de trahison et de présomption tout à la fois, et s’il ne fallait voir dans tout cela que ce que Lance-Outram y avait vu, c’est-à-dire une intrigue honteuse avec une femme attachée de si près à lady Peveril, c’était, selon lui, un acte d’impertinence manifeste, un manque grossier de respect ; et l’une ou l’autre de ces deux suppositions était de nature à allumer la colère de sir Geoffrey.

Whitaker avait à peine regagné son poste à l’arrière-garde, que de nouveau il revint à toute bride annoncer à son maître qu’ils étaient poursuivis par un corps de dix cavaliers au moins. — En avant, vers Hartley-Wick, s’écria le chevalier ; au galop ! Là, avec le secours de Dieu, nous attendrons les coquins. Comtesse de Derby, un seul mot : adieu ! Partez en avant avec Whitaker et un autre de mes gens, et laissez-moi le soin d’empêcher qu’on ne vous poursuivre de plus près. — Je resterai avec vous, dit la comtesse, et je les attendrai de pied ferme. Vous me connaissez d’ancienne date : le bruit et le danger ne m’effraient pas. — Il faut fuir, madame, reprit le chevalier : pour l’amour de votre jeune fils et du reste de la famille de mon noble ami, fuyez, je vous en sup-