Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/94

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d’entre eux, s’il est permise un sujet de parler ainsi, qui ait jamais marché. — Taisez-vous, traître et perfide flatteur que vous êtes ! » s’écria le roi, mais avec un sourire qui annonçait assez que la flatterie avait produit son effet. « Regardez ce beau morceau, et retenez votre langue babillarde… Et de qui peut être ce chef-d’œuvre, Geordie ? — Sire, répondit l’orfèvre, il est l’ouvrage du fameux Florentin Benvenuto Cellini, et fut destiné à François Ier, roi de France ; mais j’espère qu’il trouvera un plus digne maître. — François de France ! envoyer Salomon, roi des Juifs, à François de France ! sur mon âme, cela seul aurait prouvé que Cellini était fou ; quand il n’aurait pas donné d’autres preuves de folie… François Ier n’était qu’un cerveau brûlé qui ne songeait qu’à se battre, et voilà tout. Il s’est laissé prendre à Pavie, comme notre David le fit jadis à Durham… Si on avait pu lui envoyer la sagesse de Salomon, son amour pour la paix et sa piété, on lui aurait rendu un plus grand service… Mais Salomon mérite de se trouver en meilleure compagnie qu’avec François de France. — J’espère qu’il aura ce bonheur. — C’est un morceau de sculpture très-curieux et très-artistement exécuté, continua le roi ; mais cependant il me semble que ce bourreau-là brandit sa hache trop près de la figure du roi : voyez, le monarque est à la portée de son arme. Je pense qu’il ne fallait pas toute la sagesse de Salomon pour savoir que les instruments tranchants sont toujours dangereux, et qu’il aurait dû commander à ce drôle-là de rengainer son arme ou de se tenir plus loin. »

George Heriot essaya de combattre cette critique en représentant au roi que la distance entre Salomon et le bourreau était plus grande qu’elle ne le paraissait, et qu’il fallait avoir égard aux règles de la perspective.

« Allez-vous-en au diable, avec votre perspective ! dit le roi… Quelle perspective peut être plus désagréable pour un roi légitime qui désire régner par l’amour et la paix, et mourir tranquille et honoré, que de voir briller à ses yeux des épées nues ? Je passe pour être aussi brave que bien des gens, et cependant je vous déclare que je n’ai jamais pu voir une lame nue sans fermer ou détourner les yeux. Mais, au total, c’est un beau morceau… Et quel en est le prix, mon garçon ? »

L’orfèvre répondit en faisant observer au monarque que ce bijou n’était pas à lui, et qu’il appartenait à un compatriote ruiné.

« Ce dont vous comptez faire une excuse pour me demander le