Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/93

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roi de garder à l’avenir mon or et mon argent, et de vous laisser le vôtre, Geordie. — Relativement à l’argenterie du duc de Buckingham, dit l’orfèvre, il a plu à Votre Majesté d’ordonner qu’on n’épargnât aucune dépense, et… — Qu’importe ce que j’avais ordonné, mon cher ? Quand un homme sage est avec des fous et des enfants, il est bien obligé de jouer lui-même à la fossette. Mais vous auriez dû avoir assez de bon sens et de réflexion pour ne pas passer à fanfan Charles et à Steenie toutes leurs fantaisies ; ils n’avaient qu’à vouloir paver les chambres d’argent ! et, en vérité, je suis étonné qu’ils ne l’aient pas fait. »

George Heriot s’inclina et n’en dit pas davantage ; il connaissait trop bien son maître pour se justifier autrement que par une allusion éloignée à ses ordres ; et Jacques, chez qui l’économie n’était qu’un remords passager de conscience, éprouva bientôt le désir de voir la pièce d’argenterie que l’orfèvre venait lui montrer. Il donna ordre à Maxwell de la lui aller chercher, et pendant ce temps il demanda au marchand de quel pays il l’avait fait venir.

« D’Italie, n’en déplaise à Votre Majesté, répondit Heriot. — Il n’y a rien, j’espère, qui sente le papisme ? » reprit le roi, d’un air plus grave que de coutume.

« Non certainement, reprit Heriot ; je ne serais pas assez insensé pour mettre devant les yeux de Votre Majesté un objet qui portât la marque de la bête. — Vous vous montreriez en cela une bête vous-même, dit le roi ; tout le monde sait que j’ai combattu contre Dagon dans ma jeunesse, et que je l’ai terrassé et renversé sur le seuil de son propre temple, bonne preuve qu’avec le temps je serai appelé, tout indigne que j’en suis, le défenseur de la foi. Mais voici Maxwell, pliant sous son fardeau comme l’âne d’or d’Apulée. »

Heriot s’empressa de débarrasser l’huissier de la chambre, et plaça la salière, car telle était la destination de cette pièce d’argenterie d’une dimension extraordinaire, dans un jour favorable pour que Sa Majesté pût en examiner le travail.

« Sur mon âme, mon garçon, dit le roi, c’est un morceau curieux et digne de la table d’un roi ! et le sujet, comme vous le dites, maître Heriot, est très-convenable à cette destination ; car c’est, à ce que je vois, le jugement de Salomon, prince dont tous les monarques vivants devraient s’efforcer de suivre les traces. — Et sur les traces duquel, ajouta Maxwell, il n’y a qu’un seul