Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/92

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souvent pour l’amusement le plus frivole. Bel esprit et pédant à la fois, et, quoique savant, recherchant la conversation des ignorants et des gens sans éducation. Sa timidité naturelle n’était pas même uniforme : il y eut des moments dans sa vie, et même des moments critiques, où il déploya le courage de ses ancêtres. Laborieux dans des bagatelles, indolent quand il s’agissait d’un travail sérieux. Avec des sentiments de piété, sa conversation était trop souvent profane. Juste et bienfaisant par caractère, il souffrait cependant les injustices et l’oppression auxquelles se livraient ceux qui l’entouraient. Avare de l’argent qu’il lui fallait donner de sa propre main, d’une prodigalité inconsidérée et sans bornes quant à celui qu’il ne voyait pas. En un mot, les bonnes qualités qu’il déployait dans certaines occasions n’étaient pas d’une nature assez ferme et assez étendue pour régler sa conduite générale : se montrant sans suite et comme par hasard, elles ne méritaient pas à Jacques une plus haute réputation que celle que lui assigna Sully, en disant qu’il était le fou le plus sage de la chrétienté.

Afin que le sort de ce monarque fût aussi bizarre que son caractère, on vit Jacques, incontestablement le moins habile des Stuarts, héritier paisible de ce royaume contre le pouvoir duquel ses prédécesseurs avaient défendu leur propre couronne. Enfin, quoique son règne parût fait pour assurer aux Anglais cette tranquillité durable et cette paix intérieure qui convenaient si bien au caractère du roi, ce fût néanmoins pendant ce même règne que furent semés ces germes de discorde qui, semblables aux dents du dragon de la fable, produisirent une guerre civile sanglante et universelle.

Tel était le monarque qui, saluant familièrement Heriot du nom de Geordie-Tintin (car c’était en lui une habitude bien connue de donner des sobriquets à ses familiers), lui demanda quelle nouvelle attrape il avait apportée avec lui pour soutirer de l’argent à son prince naturel et légitime.

« Dieu me garde, sire, répondit le citadin, d’être guidé par une intention aussi déloyale ! Je suis venu seulement apporter à Votre gracieuse Majesté un morceau d’argenterie : le sujet et le travail en sont tels que je n’ai pu me décider à le mettre entre les mains d’aucun de vos sujets avant de connaître les dispositions de Votre Majesté à cet égard. — Comment donc ? voyons cela, Heriot… quoique, sur mon âme, le service d’argenterie de Steenie m’ait coûté si cher que j’avais presque engagé ma parole de