Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/88

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sa mule et entra dans une de ces petites échoppes occupées par les écrivains du voisinage. Un jeune homme avec des cheveux plats et lisses, tombant de chaque côté jusque sur les oreilles, et coupés droit à cet hauteur, se leva et fit la révérence la plus humble en ôtant un chapeau à bords rabattus, qu’aucun signe ne put le décider à replacer sur sa tête. À cette question de l’orfèvre, « Comment vont les affaires, André ? » il répondit avec de grandes démonstrations de respect : Assez bien, grâce à la protection et au généreux appui de Votre Honneur. — Prenez une grande feuille de papier, mon garçon, et taillez une plume neuve, dont le bec soit bien fin et bien net… Ne fendez pas tant votre plume, c’est toute perte dans votre état, André ; et ceux qui dédaignent de s’occuper d’un grain de blé n’en ramasseront jamais un boisseau… J’ai connu un savant qui avait écrit mille pages avec la même plume. — Ah, monsieur ! dit le jeune homme qui écoutait les conseils que lui donnait l’orfèvre sur son état avec un air de docilité et de vénération, combien il doit être facile, même à un pauvre misérable comme moi, de faire son chemin dans le monde avec les instructions d’un homme tel que Votre Honneur. — Mes instructions sont en petit nombre, André, elles sont bientôt données et faciles à pratiquer. Soyez honnête, industrieux et économe, et vous obtiendrez bientôt richesse et considération. Voyons, faites-moi une copie de cette supplique à main posée et de votre plus belle écriture ; j’attendrai là que vous ayez fini. »

Le jeune homme ne leva pas les yeux de dessus son papier, et ne quitta pas sa plume que cette besogne n’eût été terminée à la grande satisfaction de celui qui la lui avait commandée. Le bourgeois de la Cité donna ensuite au jeune écrivain un angelot d’or, et lui ayant recommandé de garder le secret sur toutes les affaires qui lui étaient confiées, comme s’il s’agissait de sa vie, il remonta sur sa mule, et reprit le chemin de White-Hall le long du Strand.

Il n’est peut-être pas inutile de rappeler à nos lecteurs que le Temple-Bar, ou la porte du Temple qu’Heriot traversa, n’était pas, comme de nos jours, une arcade voûtée, mais une grille ou palissade ouverte, et qui, la nuit, dans des temps d’alarme, était fermée par une barricade de poteaux et de chaînes. Le Strand qu’il parcourait n’était pas non plus une rue bâtie sans interruption, quoiqu’il commençât à en prendre l’aspect. On pouvait encore le regarder comme une grande route qui s’étendait au sud, et le long de laquelle s’élevaient plusieurs maisons ou hôtels ap-