Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/78

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fasse, il a soin de se plaindre bien haut, comme si tout le tort venait de mon côté. — Conservez-le et faites-en cas malgré tous ses défauts, dit le bourgeois ; car, croyez-en mes cheveux blancs, l’attachement et la fidélité dans un serviteur sont des qualités qui deviennent de jour en jour plus rares. Cependant, mon digne jeune lord, ne lui confiez pas de commission au-dessus de sa naissance et de son éducation, car vous voyez vous-même ce qui peut en arriver. — Je ne le vois que trop, maître Heriot, et je suis fâché d’avoir fait cette injustice à mon souverain, à votre maître. En véritable Écossais, la sagesse ne me vient qu’après coup mais la faute est faite… Ma supplique a été refusée, et ma seule ressource est d’employer le reste de mes moyens à me transporter avec Moniplies dans quelque pays où l’on veuille recevoir mes services, afin de mourir sur un champ de bataille comme ont fait mes aïeux. — Il vaut mieux vivre et servir votre pays comme votre noble père, milord. Pourquoi baisser les yeux et secouer la tête ?… Le roi n’a pas refusé votre supplique, puisqu’il ne l’a pas vue… Vous ne demandez que votre droit, et son rang l’oblige à rendre justice à tous ses sujets… Oui, milord, et j’ajouterai que son caractère le porte naturellement à l’accomplissement de ce devoir. — Je serais heureux de pouvoir partager cette opinion, et pourtant je ne veux pas parler du tort qui m’est fait ; mais mon pays souffre de bien d’autres injustices. — Milord, quand je parle de mon royal maître, c’est non seulement avec le respect et la reconnaissance que je lui dois en qualité de sujet de serviteur favorisé, mais encore avec la franchise d’un libre et loyal Écossais. Le roi lui-même est disposé à maintenir d’une manière égale la balance de la justice, mais il est entouré de gens qui peuvent jeter, sans être découverts, leurs vœux égoïstes et leurs étroits intérêts dans un des bassins. Vous en êtes déjà la victime sans le savoir. — Je suis surpris, maître Heriot, de vous entendre parler, après une si courte connaissance, comme si vous étiez parfaitement au fait de mes affaires. — Milord, la nature de mon emploi me donne un accès direct dans l’intérieur du palais. Je suis bien connu pour ne pas m’entremêler dans les intrigues ou les affaires de parti, de sorte qu’aucun favori n’a encore essayé de me fermer la porte du cabinet du roi ; au contraire, j’ai conservé la faveur de chacun tant qu’il a été en mon pouvoir, et je n’ai partagé la chute de personne. Mais il est impossible que j’aie des relations si fréquentes avec la cour sans savoir, même quand je ne le voudrais pas,