Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/475

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Avant que la fumée fut dispersée entièrement, trois brigands s’élancèrent du buisson d’où la balle venait de partir. L’un d’eux se saisit du page, en faisant mille imprécations ; un autre s’empara de la femme, et tâcha d’étouffer ses cris par de violentes menaces, pendant que le troisième débarrassait le cheval du page du fardeau dont il était chargé ; mais un contre-temps qu’ils ne prévoyaient pas vint les empêcher de profiter de leur avantage.

On croira aisément que Richie Moniplies s’étant assuré du secours des deux Templiers, toujours prêts pour ce qui ressemblait à une querelle, tous trois s’étaient mis en route bien montés et bien armés, accompagnés de Jin Vin, qui devait leur servir de guide. Croyant pouvoir arriver à Camlet-Moat avant les voleurs et les prendre sur le fait, ils n’avaient pas calculé que, selon la coutume des brigands des autres pays, coutume contraire à celle des voleurs anglais de nos jours, leur dessein était de s’assurer du vol par un meurtre préalable. Il arriva aussi sur la route un accident qui retarda un peu la troupe des vengeurs. En traversant une des avenues de la forêt, ils aperçurent un homme sans monture et assis sous un arbre, poussant des gémissements si amers, que Lowestoffe ne put s’empêcher de lui demander s’il était blessé : il répondit qu’il était un malheureux cherchant sa femme qui avait été enlevée par un scélérat ; en parlant ainsi il leva la tête, et Richie, à son grand étonnement, reconnut le visage de John Christie.

« Pour l’amour du ciel, venez à mon secours, maître Moniplies ! dit-il. J’ai appris que ma femme n’était qu’à un petit mille de cet endroit, avec cet infâme coquin, lord Dalgarno. — Qu’il nous suive ! dit Lowestoffe ; c’est un second Orphée cherchant son Eurydice !… Qu’il vienne… nous sauverons la bourse de lord Dalgarno, et nous le débarrasserons de sa maîtresse… prenons-le avec nous, quand ce ne serait que pour donner de la variété à nos aventures. D’ailleurs je conserve de la rancune contre Sa Seigneurie, je me souviens d’avoir été triché par elle. Dépêchons-nous ; nous avons encore dix minutes. »

Mais il est dangereux de calculer de trop près, quand il s’agit de la vie et de la mort. Il y a tout lieu de penser que le temps de faire monter John Christie derrière un des cavaliers aurait suffi pour sauver la vie de lord Dalgarno. Ce criminel amour fut donc la cause indirecte de sa mort ; et c’est ainsi que nos vices favoris deviennent la verge qui nous frappe. Les cavaliers n’arrivèrent