Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le roi, en conséquence, passa dans un plus grand appartement, où le prince, le duc de Buckingham, et un ou deux conseillers privés étaient assis à une table devant laquelle se tenait lord Dalgarno, dans une attitude aussi élégante et avec un air aussi indifférent et aussi aisé que pouvait le permettre la roideur du costume et des manières du temps.

Tout le monde se leva et salua avec respect, tandis que le roi, s’avançant en dandinant vers son fauteuil ou trône, faisait signe à Heriot de se tenir derrière lui.

« Nous espérons, dit Sa Majesté, que lord Dalgarno est préparé à faire réparation à cette malheureuse dame, ainsi qu’à sa réputation et à son honneur. — Oserais-je demander quel sera mon châtiment, dit lord Dalgarno, dans le cas où je me trouverais malheureusement dans l’impossibilité de souscrire à la demande de Votre Majesté ? — Votre bannissement de notre cour, milord, dit le roi, de notre cour et de notre présence. — Dans le malheur de l’exil, » répliqua Dalgarno du ton d’une ironie déguisée, « j’aurai du moins la consolation d’emporter avec moi le portrait de Votre Majesté ; car je ne verrai jamais un roi qui lui ressemble. — Et votre exil de nos États, milord, » dit le prince d’un ton sévère.

« Il faudra pour cela les formes légales, n’en déplaise à Votre Altesse Royale, » reprit Dalgarno avec une affectation de profond respect, « et je n’ai pas entendu dire qu’il y eût de loi qui forçât, sous peine d’un tel châtiment, à épouser toutes les femmes avec qui on a pu faire une folie… Peut-être Sa Grâce le duc de Buckingham daignera-t-il m’éclairer sur ce point ? — Dalgarno, vous êtes un scélérat ! » s’écria l’altier et impétueux favori.

« Fi, milord ! fi ! à un prisonnier, et en présence de votre royal et paternel compère !… dit lord Dalgarno. Mais je couperai court à cette délibération… J’ai parcouru cet état des biens et propriétés d’Arminia Pauletti, fille de feu le noble… oui, si je ne me trompe pas, il est appelé le noble Giovani Pauletti, de la maison de Sansovino, de Gênes, et de la non moins noble dame Maud Olifaunt de la maison de Glenvarloch. Eh bien ! je déclare que je suis déjà engagé par un contrat antérieur, fait en Espagne avec cette dame, et qu’il y a entre nous certaine prœlibatio matrimonii. Et maintenant, qu’exige de plus cette respectable assemblée ? — Que vous répariez l’outrage infâme que vous avez fait à cette dame, en l’épousant d’ici à une heure, » répondit le prince.