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Cependant Maxwell et Heriot avaient relevé le vieux lord et l’avaient placé sur une chaise, tandis que le roi, remarquant qu’il commençait à revenir, reprit ses consolations avec un peu plus de réflexion.

« Relevez la tête, allons, remettez-vous, et écoutez votre prince et compatriote… S’il y a de la honte, mon ami, elle n’arrive pas les mains vides… Il y a de l’or… une bonne dot et une famille qui n’est déjà pas si mauvaise… Si elle a été déshonorée, c’est la faute de votre fils, et il peut lui rendre son honneur. »

Ces réflexions, quelque raisonnables qu’elles fussent dans les cas ordinaires, n’apportèrent aucune consolation au lord Huntinglen, s’il est vrai même qu’il les comprît bien. Mais quand il vit son bon vieux maître, tout en prononçant ces paroles, commencer à larmoyer, ce spectacle fit sur lui un effet plus rapide. Deux grosses larmes s’échappèrent involontairement de ses yeux pendant qu’il baisait les mains flétries et ridées que le roi, pleurant avec moins de dignité, lui abandonnait d’abord l’une après l’autre, ensuite toutes deux à la fois, jusqu’à ce qu’enfin la sensibilité de l’homme l’emportant entièrement sur le sentiment de la dignité royale, il saisit et pressa les mains de lord Huntinglen avec autant de compassion et d’intérêt que l’aurait fait son égal et son ami.

« Compone lacrymas[1] ; soyez tranquille, soyez tranquille, mon ami, dit Jacques, le conseil, fanfan Charles et Steenie peuvent tous aller au diable ! il ne l’épousera pas si vous le prenez si fort à cœur. — Il l’épousera, de par Dieu ! » répondit le vieux comte, qui, se redressant, essuya brusquement la larme qui mouillait encore ses yeux ; et s’efforça de reprendre son calme ordinaire. « Je demande pardon à Votre Majesté, mais il l’épousera avec son déshonneur pour dot, fût-elle la plus vile courtisane de toute l’Espagne ; s’il a donné sa parole, il la tiendra, fût-ce envers la dernière créature des rues… Il le fera, ou ce poignard lui arrachera la vie que je lui ai donnée. S’il a pu s’abaisser à une aussi lâche imposture pour tromper une femme publique, en bien, il épousera une femme publique ! — Non, non, continua le monarque, les choses n’en sont pas là… Steenie lui-même n’a jamais pensé qu’elle fût une femme publique, même quand il en avait la plus mauvaise opinion. — Si ceci peut servir à consoler milord Huntinglen, dit le marchand, je puis l’assurer que cette dame est

  1. Retiens tes larmes. a. m.