Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/434

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par malheur dans d’autres mains ; et ce n’est que depuis quelques jours que j’ai pu découvrir ce qu’ils étaient devenus, et en recouvrer la possession. Sans ces documents qui prouvent les faits qu’elle avance, c’eût été une imprudence de sa part que de porter plainte contre un homme protégé, comme lord Dalgarno, par des amis puissants. — C’est une impertinence à vous de parler ainsi, interrompit le roi ; je vois bien ce que vous voulez dire : vous pensez que Steenie aurait mis le pied dans la balance de la justice et l’aurait fait ainsi pencher de son côté. Vous oubliez, Geordie, quelle main la tient, et vous faites d’autant plus de tort au pauvre Steenie, que Dalgarno l’avait trompé, le pauvre innocent, en lui faisant accroire que c’était sa maîtresse, ce dont Steenie resta persuadé, quoiqu’il eût dû penser qu’une femme de ce genre ne lui aurait pas résisté. — Lady Hermione, dit George Heriot, a toujours rendu la plus grande justice à la conduite du duc, quoique ayant de fortes préventions contre son caractère ; il dédaigna toujours d’abuser de sa position malheureuse, et lui fournit au contraire les moyens de sortir d’embarras. — Je le reconnais bien là, le gentil garçon, que Dieu le bénisse ! et je crois au récit de cette dame d’autant plus facilement, milord Huntinglen, qu’elle n’a pas dit de mal de Steenie ; et pour couper court, milord, l’opinion de notre conseil et la nôtre, aussi bien que celle de fanfan Charles et de Steenie, est que votre fils doit réparer ses torts en épousant cette dame, ou s’attendre à la plus honteuse disgrâce dans laquelle on puisse tomber auprès de nous. »

Celui auquel il parlait était incapable de lui répondre. Il était immobile devant le roi, fixant sur lui de grands yeux dont les paupières mêmes étaient sans mouvement, comme s’il eût été soudainement converti en une ancienne statue des temps de chevalerie. Ses traits austères et ses membres robustes avaient été soudainement frappés de paralysie par le coup qu’il avait reçu. Une seconde après, comme s’il était frappé de la foudre, il tomba par terre en poussant un profond gémissement. Le roi fut saisi des plus vives alarmes ; il appela Heriot et Maxwell à son secours, et la présence d’esprit n’étant pas son fort, il se mit à parcourir son cabinet avec agitation, en s’écriant : « Mon bon et fidèle serviteur qui as sauvé notre personne sacrée, vœ atque dolor[1] ! Lord Huntinglen, levez la tête, levez la tête, mon bon ami !… votre fils peut épouser la reine de Saba, si bon lui semble. »

  1. Malheur et douleur ! a. m.