Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/421

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plus haut rang, qui n’avaient pas cru devoir, sur sa tournure, lui adresser leurs offres de service. Il prit alors possession de sa barque, s’enveloppa les bras de son ample manteau, et s’asseyant au gouvernail d’un air d’importance, il leur ordonna de le conduire à White-Hall. Arrivé au palais sans accident, il demanda à voir maître Linklater, le sous-contrôleur de la cuisine de Sa Majesté ; on lui répondit qu’on ne pouvait pas lui parler dans le moment, parce qu’il était occupé à préparer un poulet aux poireaux pour la bouche du roi.

« Dites-lui, dit Moniplies, que c’est un de ses amis et compatriotes qui désire lui parler pour une affaire de la plus haute importance. — Un ami et un compatriote, » s’écria Linklater quand ce pressant message lui fut rapporté… « Eh bien ! qu’il entre, et que le diable l’emporte ! Ce sera encore quelque garçon à tête rousse et à longues jambes, arrivé tout frais du West-Port, qui, ayant appris ma promotion, vient solliciter d’être nommé tournebroche ou marmiton par mon crédit… C’est un grand empêchement pour quiconque veut s’élever dans le monde que d’avoir de tels amis pendus à ses côtés dans l’espoir de monter avec lui… Ah ! Richie Moniplies, est-ce vous, mon garçon ? Eh ! qui vous amène ici ? Si l’on vous avait reconnu pour l’individu qui fit peur au cheval il y a quelque temps… — Ne parlons plus de cela, l’ami, interrompit Richie ; me voilà revenu pour la vieille affaire ; il faut que je parle au roi. — Au roi ? vous êtes fou à lier, » dit Linklater ; puis il cria à ses aides de cuisine : « Veillez aux broches, drôles que vous êtes… Pisces purga ; salsamenta hœc fac macerentur pulchrè[1] ; je vous ferai entendre le latin à vous autres marauds, comme il convient à des marmitons du roi Jacques ; » puis d’un ton de mystère, il ajouta à l’oreille de Richie : « Ne savez-vous pas ce qui est arrivé à votre maître, l’autre jour ? Je puis dire que cette affaire-là a fait trembler certaines gens pour leur place. — N’importe, Laurie, il faut encore venir à mon aide cette fois, et me donner l’occasion de glisser ce petit bout de supplique dans la main du roi ; et je vous assure que le contenu ne peut manquer de lui être très-agréable. — Richie, vous avez certainement juré de dire vos prières dans la loge du portier, le dos à découvert, entre deux valets armés d’un fouet pour vous crier Amen. — Non, non, Laurie : mon garçon, j’ai plus d’expérience maintenant en fait de pétitions que je n’en avais ce jour-là, et

  1. Vide les poissons, et aie soin de faire tremper comme il faut cette saline. a. m.