Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/400

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« Écoutez, milord, dit-il, il est presque impossible que vous ayez fait l’abandon complet de cet important papier. Apprenez-moi dans quel coin obscur, et pour quelle misérable somme vous l’avez donné en garantie… on pourra peut-être encore faire quelque chose… — Vos efforts en ma faveur sont d’autant plus généreux que vous croyez avoir lieu de concevoir la plus mauvaise opinion de celui qui en est l’objet… mais ils sont absolument inutiles. La fortune s’est déclarée contre moi sur tous les points : je lui abandonne la partie. — Morbleu ! » s’écria Heriot avec impatience, « vous feriez jurer un saint. Ne vous ai-je pas dit que si ce papier, à la perte duquel vous paraissez attacher si peu d’importance, ne se retrouvait pas, il fallait dire adieu à la belle baronnie de Glenvarloch, à ses forêts, à ses enclos, à ses champs de blé, à son lac, à ses eaux limpides, à tout ce qui a appartenu à la maison de Glenvarloch depuis le temps de Guillaume-le-Lion ? — Eh bien donc, je leur fais mes adieux ; et mes regrets ne seront pas longs. — Morbleu ! milord, le regret vous en prendra plus d’une fois avant de mourir, » s’écria Heriot du même ton de colère et d’impatience.

« Non pas, mon vieil ami, reprit Nigel. Si je regrette quelque chose, maître Heriot, ce sera d’avoir perdu l’estime d’un homme respectable, et, je puis ajouter, de l’avoir perdue sans le mériter. — Oui, oui, jeune homme, » dit Heriot en secouant la tête, « persuadez-moi cela si vous pouvez. Mais pour en venir à une conclusion (car les affaires que nous avons ensemble se réduisent désormais à peu de chose), vous me feriez croire tout aussi facilement que ce masque, dont je me saisis maintenant au nom de l’autorité paternelle, est un page français qui n’entend pas notre langue. »

En parlant ainsi, il saisit le page supposé par son manteau, et non sans employer quelque peu de violence, attira au milieu de l’appartement la belle déguisée, qui essaya de se couvrir le visage de son manteau d’abord, puis ensuite de ses mains. Mais Heriot ayant écarté successivement ces deux obstacles avec assez peu de cérémonie, fit voir à découvert la fille du vieil horloger, sa jolie filleule Marguerite Ramsay.

« Voilà une belle affaire ! » s’écria-t-il ; et tout en parlant, il ne put s’empêcher de la secouer légèrement, car nous avons remarqué plus haut qu’il était sévère sur l’article des mœurs et des convenances. « Comment se fait-il, mignonne, que je vous trouve