Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/399

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« Un fils qui, comme celui de lord Glenvarloch, ne fit pas honneur à son père… n’est-ce pas ainsi que vous auriez fini votre phrase, maître Heriot ? — Milord, ce serait un jugement précipité. La miséricorde de Dieu est bien grande ; cependant je dirai que moi, qui ai souvent envié à mes amis leurs belles et florissantes familles, j’ai vu tant de changements survenir quand la mort en avait enlevé le chef, tant de fils ruinés dont les pères étaient fort riches, tant d’héritiers de baronnies et de beaux domaines sans un acre de terre, que je commence à croire probable que ma fortune, de la manière dont j’en disposerai, survivra à celle d’hommes plus puissants, quoique Dieu ne m’ait accordé aucun héritier de mon nom. Mais ceci est étranger à notre affaire. Holà, garde ! apportez les effets de lord Glenvarloch ! » Le gardien obéit et apporta le bagage. Les scellés avaient été apposés sur la malle et sur la cassette, mais en avaient été levés, dit le gardien, en conséquence d’un ordre subséquent de la cour, et le tout était à la libre disposition du prisonnier.

Impatient de mettre un terme à cette pénible visite, lord Glenvarloch ouvrit la cassette : il examina les papiers qu’elle contenait, d’abord à la hâte, puis ensuite plus lentement et avec plus d’attention ; mais ce fut en vain, l’ordonnance signée du roi avait disparu.

« Je ne m’attendais pas à autre chose ! » s’écria George Heriot avec amertume… « une première faute entraîne à toutes les autres. Voilà un bel héritage perdu, qui aura été escamoté par un coup de dé ou par un tour de cartes… Milord, vous jouez bien la surprise, je vous félicite de vos talents. J’ai vu bien des jeunes gens mauvaises têtes et dissipateurs, mais jamais une dissimulation aussi accomplie. Peu m’importent vos regards courroucés ? je parle dans l’amertume de mon cœur, et plein du souvenir de votre père : si personne n’a le courage de dire à son fils combien il a dégénéré, il se l’entendra reprocher du moins de la bouche du vieil orfèvre. »

Ce nouveau soupçon acheva de faire perdre patience à Nigel. Cependant, les motifs et le zèle du brave homme, joints aux circonstances qui faisaient naître ses soupçons, le rendaient si excusable, que ces considérations triomphèrent du ressentiment de lord Glenvarloch, qui, après deux ou trois exclamations très-vives, finit par garder un morne et dédaigneux silence. À la fin, maître Heriot reprit ses remontrances.