Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/391

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tinuait de la sorte, quand, à l’entrée d’une large allée de verdure, je vis un noble cerf tombé dans le piège, je pensai que c’était ce même cerf que l’on poursuivait, et que, si la chasse arrivait, les chiens le mettraient en pièces, et les chasseurs lui couperaient la gorge… J’eus pitié du pauvre cerf ; et quoique je fusse d’une autre espèce que lui, et qu’il m’inspirât même quelque frayeur, je résolus de risquer quelque chose pour sauver un si majestueux animal… Je tirai donc mon couteau ; et comme je commençais à couper les mailles du filet, l’animal s’élança sur moi sous la forme d’un tigre plus grand et plus féroce qu’aucun de ceux que vous avez pu voir à la ménagerie des bêtes sauvages, et il était sur le point de me déchirer les membres quand vous m’avez éveillé. — Il me semble que je méritais d’autres remercîments pour vous avoir délivré d’un tel danger en vous éveillant ; mais, mon cher enfant, je ne vois pas dans toute cette histoire d’un tigre et d’un cerf un grand rapport avec votre changement d’humeur à mon égard. — Je ne sais si elle en a ou non ; mais ce qu’il y a de sûr, c’est que je ne vous dirai pas qui je suis. — Eh bien donc, gardez votre secret, jeune obstiné que vous êtes, « dit Nigel en le laissant, et recommençant à se promener dans la chambre ; puis s’arrêtant tout à coup, il ajouta : » Et cependant vous ne m’échapperez pas sans savoir que j’ai pénétré votre secret. — Mon secret, » dit le jeune homme avec un mélange de crainte et d’irritation ; « que voulez-vous dire, milord ? — Seulement que je puis expliquer votre rêve sans l’aide d’un interprète chaldéen ; et voici comment je le fais… c’est que mon gentil compagnon ne porte pas les habits de son sexe. — Et quand il en serait ainsi, milord ? » s’écria l’inconnu en se levant à la hâte, et s’enveloppant des plis de son manteau : l’habit que je porte, tel qu’il est, couvre une personne qui ne le déshonorera pas. — Il y a des gens qui appelleraient cela un véritable défi, » dit lord Glenvarloch en la regardant fixement ; « mais les femmes n’empruntent pas les habits des hommes dans le dessein de se servir de leurs armes. — Ce n’est pas mon dessein, » répliqua le jeune homme supposé ; « j’ai d’autres moyens de protection, mais je désire savoir d’abord quelles sont vos intentions. — Elles sont honorables, et vous pouvez compter sur mon respect, répondit lord Glenvarloch. Quels que soient votre nom et le motif qui vous a placée dans une situation équivoque, je suis convaincu, et il n’y a pas une de vos paroles, un de vos gestes, qui ne le fasse sentir davantage que vous n’êtes pas faite