Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/384

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cie de ce conseil et de l’intérêt que vous me témoignez, milord, dit l’enfant ; mais, avec votre permission, je préfère rester tranquillement assis sur cette chaise… je suis mieux là que sur le lit… je puis réfléchir sans distraction à ce que j’ai fait et à ce qui me reste à faire ; et si Dieu envoie le sommeil à un être épuisé de fatigues et de soucis, il le recevra comme la plus grande grâce qu’il puisse obtenir.

En parlant ainsi, l’enfant dégagea sa main de celle de lord Glenvarloch, et, s’enveloppant jusqu’à la figure dans les plis de son large manteau, il parut se livrer à la méditation ou au sommeil, tandis que son compagnon, malgré les scènes fatigantes du jour et de la veille, continuait d’arpenter l’appartement, plongé dans ses réflexions.

Tout lecteur peut avoir remarqué qu’il y a des circonstances où l’homme, bien loin de pouvoir maîtriser les événements qui l’entourent, est même incapable de conserver aucun empire sur ses pensées vagabondes et capricieuses. Nigel désirait naturellement réfléchir avec calme sur sa situation, et se déterminer au parti qu’il lui convenait le mieux de suivre comme homme de sens et de courage ; et cependant malgré lui, et malgré la préoccupation qu’aurait dû lui causer exclusivement la situation critique où il se trouvait, la position de son jeune camarade occupa sa pensée bien plus que la sienne. Il lui était impossible d’expliquer cet écart de son imagination, et plus impossible encore d’y résister. Les accents plaintifs de la voix la plus douce qu’il eût jamais entendue retentissaient à son oreille, quoique le sommeil parût avoir enchaîné la langue qui les proférait. Il s’approcha sur la pointe du pied pour s’assurer qu’il en était ainsi. Les plis de son manteau cachaient entièrement la partie inférieure de la figure du jeune homme, mais le bonnet de velours, qui était tombé un peu de côté, laissait voir son front, où se dessinaient de belles veines bleues, et ses yeux fermés et garnis de longues paupières soyeuses.

« Pauvre enfant ! » se dit Nigel à lui-même en le regardant ainsi enveloppé dans les plis de son manteau, « tes paupières sont encore humides de larmes, et, fatigué de pleurer, tu t’es endormi ! Le chagrin est un maître bien dur pour un être si jeune et si délicat… Puisse ton sommeil être paisible ! je ne veux pas le troubler… Mes propres infortunes réclament toute mon attention, et c’est d’elles que je dois m’occuper. »