Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/381

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couvrant la figure, il pleura si abondamment que les larmes s’échappaient par torrents à travers ses doigts délicats.

Nigel oublia en quelque sorte sa situation, dans le sentiment d’intérêt que fit naître en lui le profond désespoir auquel un être si jeune et si beau paraissait livré ; et, s’asseyant près de l’enfant, il tenta de calmer sa douleur par les expressions les plus consolantes, et en même temps par un geste caressant que la différence de leur âge rendait naturel ; il passa la main sur les longs cheveux du jeune affligé. Telle était la timidité de l’enfant, qu’à ce léger mouvement de familiarité, il tressaillit et voulut se reculer ; mais lorsque lord Glenvarloch, s’apercevant de sa confusion, et en ayant pitié, fut allé s’asseoir à l’autre coin de la cheminée, il eut l’air d’être plus à son aise, et écouta avec une apparence d’intérêt les raisonnements que de temps en temps Nigel lui adressait pour l’engager à modérer du moins la violence de sa douleur : en l’écoutant, les larmes de l’enfant, quoiqu’il continuât d’en verser en abondance, semblaient couler plus librement ; ses sanglots convulsifs se changèrent en soupirs étouffés, qui indiquaient autant de chagrin peut-être, mais moins d’alarme qu’il n’y en avait eu dans ses premiers transports.

« Dites-moi qui vous êtes, mon gentil garçon, dit Nigel. Regardez-moi comme un camarade qui désire vous obliger, si vous voulez lui en indiquer les moyens. — Monsieur… milord… voulais-je dire, » répondit l’enfant de la manière la plus timide, et si bas que Nigel l’entendait à peine, malgré le peu de distance qui les séparait, « vous êtes bien bon… et moi… je suis bien malheureux. »

De nouveaux torrents de pleurs l’interrompirent, et il fallut que lord Glenvarloch recommençât, par ses consolations et ses encouragements, à rendre un peu de calme à l’enfant, pour qu’il retrouvât la faculté de s’exprimer intelligiblement. À la fin cependant il parvint à dire : « Je sens toute votre bonté, milord, et j’en suis bien reconnaissant ; mais je suis un être bien malheureux ; et ce qui augmente mon malheur, c’est que je ne puis en accuser que moi seul. — Il est rare que nous soyons complètement malheureux, mon jeune ami, reprit Nigel, sans en être nous-mêmes plus ou moins responsables. J’ai, plus que tout autre, raison de parler ainsi, moi qui ne dois qu’à moi seul de me trouver dans cette prison… Mais vous… vous êtes si jeune, vous né pouvez encore avoir commis de grandes fautes. — Oh ! monsieur,