Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/376

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un objet qui m’eût réjoui le cœur il y a un moment ; et à l’avenir nous seconderons les bienfaisants desseins de la Providence à notre égard, en conservant aux côtés de notre personne royale deux vigoureux mangeurs de bœuf de notre garde. Ainsi donc cet Olifaunt est un puritain ; ce n’est pas une raison pour qu’il ne soit pas papiste, car les extrêmes se touchent, comme dit le proverbe. Il y a, comme je l’ai prouvé dans mon livre, des puritains qui ont des principes papistes ; c’est une nouvelle écorce sur un vieux tronc. »

Ici le prince, qui craignait peut-être que le roi ne se mît à réciter tout le Basilicon Doron, essaya de rappeler à Sa Majesté qu’il serait opportun de retourner au palais et de réfléchir sur ce qu’il y avait à faire pour calmer l’esprit du public, dans lequel l’aventure du matin devait faire naître beaucoup de conjectures. En passant sous la porte du palais, une femme s’inclina et présenta un papier au roi, qui le reçut en poussant une espèce de gémissement, et le fourra dans une poche de côté. Le prince exprima quelque curiosité d’en voir le contenu. « Le valet de service vous l’apprendra, dit le roi, quand j’aurai ôté ma veste de chasse. Croyez-vous, fanfan, que je puisse lire tout ce qu’on vient me mettre dans les mains ? Regardez, mon garçon (en montrant les poches de ses larges hauts-de-chausses, qui étaient bourrées de papier), regardez, nous ressemblons à un âne, si nous pouvons nous servir de ce mot, plié entre deux fardeaux. Oui, oui : Asinus fortis accumbens inter terminos[1], comme dit la Vulgate ; oui, oui Vidi terram quod esset optima, et supposui humerum ad portandum et factus sum tributis serviens[2] ; j’ai vu ce royaume d’Angleterre, et je suis devenu un roi courbé sous de pénibles fardeaux. — Vous êtes en effet bien chargé, mon cher maître et compère, » dit le duc de Buckingham en recevant les papiers dont le roi Jacques débarrassa ses poches.

« Oui, oui, continua le monarque ; prenez-les pour vous, mes enfants, per aversionem… Une poche remplie de pétitions, l’autre de libelles et de pasquinades ! on nous fait vraiment passer du bon temps. Sur ma conscience, je crois que je commence à deviner l’allégorie de la fable de Cadmus, et que les dents du dragon qu’il sema ne furent autre chose que les lettres de l’alphabet dont

  1. Un âne robuste, succombant sous une double charge. a. m.
  2. J’ai vu la terre, et l’ai trouvée excellente ; j’ai prêté l’épaule, et suis devenu porteur de fardeaux. a. m.