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Lord Glenvarloch ayant été dépouillé de son manteau, il s’éleva de grands cris d’étonnement et d’horreur du sein de la foule, qui grossissait à tout moment, lorsqu’on découvrit ses pistolets.

« Mort au misérable, au parricide, au brigand sanguinaire ! » s’écria-t-on de tous côtés. Et le roi, pour qui assez naturellement la vie était aussi précieuse qu’elle semblait l’être aux yeux de ses sujets, s’écriait plus fort que le monde. « Oui, oui, qu’on l’emmène… qu’on me débarrasse de lui, et qu’on en délivre le pays ; mais qu’on ne lui fasse aucun mal ; et pour l’amour du ciel, messieurs, si vous êtes bien sûrs de l’avoir entièrement désarmé, rentrez vos épées et vos poignards dans le fourreau, car vous vous ferez certainement du mal les uns aux autres. »

À l’ordre du roi, toutes les lames rentrèrent promptement dans leurs gaines ; car ceux qui jusque-là les brandissaient pour faire parade de leur zèle et de leur loyauté, se rappelèrent à ces paroles l’extrême aversion que Sa Majesté éprouvait à voir un fer nu, faiblesse qui paraissait faire partie de sa constitution comme sa pusillanimité, et était généralement attribuée au meurtre de Rizzio, commis en présence de sa malheureuse mère, peu de temps avant sa naissance.

À ce moment le prince, qui avait chassé dans une autre partie du parc, alors fort étendu, et qui avait appris confusément ce qui se passait, arriva rapidement avec deux ou trois seigneurs de sa suite, et entre autres lord Dalgarno. Il s’élança de son cheval, et demanda avec vivacité si son père était blessé.

« Non pas que je sache, fanfan Charles, mais un peu épuisé d’avoir lutté tout seul contre un assassin… Steenie, remplissez-nous un verre de vin… la gourde est suspendue au pommeau de la selle. Embrassez-moi donc, fanfan Charles, » continua le monarque après s’être réconforté par un verre de vin… « Ô mon fils ! le royaume et vous, avez échappé à un grand malheur, à la perte sanglante et douloureuse, de votre bon père ; car nous sommes pater patriœ aussi bien que pater familiasQuis desiderio sit pudor aut modus tam cari capitis[1]. Hélas ! le noir aurait été cher en Angleterre, et il aurait été difficile d’y trouver un œil sec. »

  1. Commencement d’une ode d’Horace, liv. I, ainsi rendue dans ma traduction inédite et complète en vers :
    Comment ne point pleurer une tête si chère ?
    Ô muse, instruis ma lyre à tes lugubres chants,
    Toi qui reçus d’un dieu la cythare légère,
    La voix et les soupirs touchants.

    a. m.