Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/362

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelquefois d’agneau, dans la saison, mais jamais de porc, quoique Ned soit fameux pour ses côtelettes… Il paraît que les Écossais n’aiment pas le porc ; c’est assez singulier… il y a des gens qui croient que ce sont des espèces de Juifs… voilà du moins une ressemblance… ne le trouvez-vous pas, monsieur ? Ensuite on appelle notre très-gracieux souverain le second Salomon ; et vous savez que Salomon était le roi des Juifs ; ainsi voilà un rapport de plus… Je crois, monsieur, que vous vous trouverez maintenant rasé à votre satisfaction ; je m’en rapporterai au jugement de la belle maîtresse de vos affections… Je vous demande pardon, je ne vous ai pas offensé, j’espère !… Veuillez, je vous prie, consulter la glace… un petit coup de fer à friser ne fera pas mal, je crois, pour mettre à la raison cette boucle rebelle… Grand merci de votre libéralité, monsieur… j’espère que j’aurai votre pratique pendant votre séjour à Greenwich… Voudriez-vous entendre un air de cette guitare pour vous disposer à l’harmonie pendant toute la journée ? Ting-tang, tong, ting-tang, dillo… elle n’est pas très-d’accord, monsieur ; il y a trop de mains qui y touchent ; nous ne pouvons empêcher cela, nous autres, comme les artistes… Permettez-moi de vous aider à mettre votre manteau, monsieur… oui, monsieur… Vous ne voudriez pas jouer vous-même un petit air ? Non ? Ah ! vous me demandez le chemin de l’auberge de sir Mungo. Mais, monsieur, c’est l’auberge de Ned, et non celle de sir Mungo… il est vrai que le chevalier y mange, et en quelque sorte on peut l’appeler son auberge… Ah, ah ! tenez, la voilà, monsieur, de l’autre côté du chemin, avec des poteaux fraîchement blanchis et des barreaux rouges… là où vous voyez à la porte ce gros homme en veste ; c’est Ned lui-même, monsieur… Il est riche de plus de mille livres sterling, dit-on… Il fait meilleur à griller des têtes de cochon qu’à faire la barbe à des courtisans… mais de ces deux professions la nôtre est la moins mécanique… Adieu, monsieur ; j’espère que vous me donnerez votre pratique… » En parlant ainsi il laissa enfin partir Nigel, dont les oreilles, si long-temps assourdies par son babil continuel, tintaient encore long-temps après, comme s’il avait entendu le son des cloches au lieu de la voix d’un homme.

En arrivant chez le traiteur, où il comptait trouver sir Mungo Malagrowther, dont, faute de meilleur conseiller, il espérait tirer quelques avis sur la manière de se présenter au roi, lord Glenvarloch trouva dans l’hôte auquel il s’adressa toute la taciturnité