Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/360

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mais où ? c’était pour le moment une question embarrassante. À la fin, se rappelant la nécessité de faire arranger ses cheveux et sa barbe avant de se présenter devant le roi, et désirant obtenir en même temps quelques renseignements sur les mouvements du souverain et de la cour, il demanda à être conduit à la boutique du premier barbier ; car c’était là, comme nous l’avons déjà dit, qu’était le centre de circulation des nouvelles. Il ne tarda pas à se voir introduit dans un des entrepôts de bruits publics, et s’aperçut qu’il en apprendrait autant et même plus qu’il n’en désirait savoir ; pendant que sa tête était soumise à la main habile d’un adroit barbier dont la langue n’était pas moins agile que les doigts, cet homme se mit à discourir, sans s’arrêter ni reprendre haleine, de la manière suivante :

« La cour est ici, mon maître, oui… cela fait beaucoup de bien au commerce, et nous amène de bonnes pratiques… Sa Majesté aime Greenwich… elle chasse tous les matins dans le parc… On y admet tous les gens respectables qui ont leur entrée au palais… Pas de populace… pas de manant mal peigné qui vienne effrayer le cheval de Sa Majesté par leurs cris… Oui, monsieur, la barbe un peu plus courte, c’est ainsi qu’on la porte ; je connais la dernière mode… J’ai pour pratiques plusieurs courtisans… un valet de chambre… deux pages de Sa Majesté, l’intendant de la cuisine, trois valets de pied, deux piqueurs, et un honorable chevalier écossais, sir Mungo Malgrowler. — Malagrowther, vous voulez dire ? » cria Nigel, qui eut beaucoup de peine à glisser cette conjecture entre deux phrases du barbier.

« Oui, monsieur ; Malgrowder, monsieur ; ces Écossais ont des noms bien difficiles à prononcer, monsieur, pour une langue anglaise… Sir Mungo est un bel homme… vous le connaissez peut-être, monsieur ?… c’est un fort bel homme, à l’exception des doigts qui lui manquent, de l’infirmité de sa jambe, et de la longueur de son menton… Monsieur, il me faut une minute douze secondes de plus pour raser ce menton-là que pour tout autre menton que je connaisse dans la ville de Greenwich… mais cela n’empêche pas que ce ne soit un fort bel homme, et même un très-aimable homme et d’une humeur fort agréable, excepté qu’il est si sourd qu’il ne peut jamais entendre de bien de personne, et si judicieux qu’il n’en veut jamais croire… mais cela n’empêche pas que ce ne soit un excellent homme, excepté quand quelqu’un lui parle trop bas, ou quand un cheveu va de travers…