Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/354

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n’était pas ma faute. Ainsi donc, comme cette lettre ne peut vous servir à rien auprès de l’homme à qui elle est adressée, vous devez croire que c’est le ciel qui l’a fait tomber entre mes mains, car je prends un intérêt tout particulier à celui qui l’a écrite : d’ailleurs j’ai autant de compassion et d’honnêteté que peut en avoir un homme qui veut gagner son pain, et suis très-disposé à aider de mes conseils, ou autrement, les amis de mes amis, pourvu qu’il ne m’en coûte pas grand’chose, étant dans un pays étranger comme un pauvre agneau qui s’est éloigné de son bercail, et qui laisse un peu de sa laine sur tous les maudits buissons anglais qu’il rencontre. » En parlant ainsi, il se mit à lire le contenu de la lettre, sans en attendre la permission, et puis il continua : « Et ainsi, c’est là tout ce que vous demandez, ma colombe ? Rien qu’un asile sûr et honorable, où vous serez nourrie à vos propres frais. — Rien de plus, dit-elle ; si vous êtes un homme et un chrétien, vous m’aiderez à trouver ce dont j’ai si grand besoin. — Je suis un homme, » dit le Calédonien d’un ton important, « comme vous voyez ; et je puis aussi me dire un chrétien, tout indigne que je sois, et quoique je n’aie entendu que fort rarement de pure doctrine depuis que je suis ici, celle qu’on y prêche étant toute corrompue par les inventions des hommes… Eh bien donc, si vous êtes une honnête femme (ici il jeta un regard sous son capuchon), comme vous en avez l’air, quoique, permettez-moi de vous le dire, les honnêtes femmes ne soient pas un bétail aussi commun dans les rues de cette ville qu’on pourrait le désirer ; car, pas plus tard qu’hier, j’ai manqué d’être étranglé par deux coureuses qui m’ont pris par la cravate pour m’entraîner dans un cabaret ; mais, dis-je, si vous êtes une brave et honnête femme, comme vous en avez l’air, » ajouta-t-il en jetant un second regard sur des traits qui certainement ne pouvaient faire naître aucun soupçon contraire, « je vous recommanderai dans une maison respectable, où vous pourrez vivre décemment et paisiblement à un prix raisonnable, et où vous serez à même d’avoir l’avantage de mes avis et conseils, c’est-à-dire de temps en temps, quand mes autres occupations me le permettront. — Dois-je me hasarder à accepter une offre de ce genre de la part d’un étranger ? » dit Martha avec un embarras assez naturel.

« Ma foi, je ne vois rien qui puisse vous en empêcher, mistress, reprit l’Écossais ; vous n’avez qu’à venir voir la maison ; et vous ferez ensuite ce qu’il vous plaira. D’ailleurs, nous ne sommes pas