Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/352

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et si jamais vous avez encore une querelle avec un homme du Nord, l’ami, dites autant de mal de lui que vous voudrez, mais souvenez-vous de ne rien dire ni de son maître, ni de ses compatriotes, ou votre large bonnet plat n’empêchera pas que vos oreilles ne soient raccourcies par un fer écossais. — Et si vous continuez de me dire des insolences devant ma porte, ne fût-ce que deux minutes, reprit John Christie, j’appellerai le constable, et vos jambes écossaises feront connaissance avec les fers anglais. » En parlant ainsi il rentra dans sa boutique, non sans quelque apparence de triomphe, car son ennemi, quelle que fût sa valeur réelle, ne témoigna aucun désir de porter les choses à l’extrémité. Il pensait, sans doute, que quelque avantage qu’il pût obtenir dans un combat singulier avec John Christie, ce serait le payer trop cher s’il s’exposait à une affaire avec les autorités constituées de la vieille Angleterre, lesquelles n’étaient pas, à cette époque, très-disposées en faveur de leurs nouveaux concitoyens ; cela se manifestait dans les jugements partialement rendus entre individus de ces deux nations orgueilleuses, qui conservaient un souvenir plus puissant de leur haine séculaire que d’une réunion de quelques années sous le gouvernement du même prince.

Mistress Martha Traphois avait habité trop long-temps l’Alsace pour être surprise ou effrayée de l’altercation dont elle venait d’être témoin. Elle s’étonnait, au contraire, que cette querelle ne se fût pas terminée par quelqu’un de ces actes de violence qui en étaient toujours le résultat dans le sanctuaire. Comme ils se séparaient l’un de l’autre, elle, qui ne croyait pas la cause de ce débat plus importante que dans les scènes journalières du même genre dont elle avait entendu parler, ou qu’elle avait vues, n’hésita pas à arrêter maître Christie au moment où il allait rentrer dans sa boutique, et à lui présenter la lettre de lord Glenvarloch. Si elle avait eu plus d’expérience de la vie, elle aurait certainement attendu un moment plus opportun ; et elle eut lieu de se repentir de sa précipitation quand, sans dire un seul mot et sans se donner la peine de lire autre chose de la lettre que la signature, le marchand courroucé la jeta par terre, et la foula aux pieds avec le plus grand dédain, sans adresser un seul mot à celle qui la lui avait remise, si ce n’est une malédiction plus énergique qu’on n’aurait pu le croire capable de la proférer d’après la gravité de son extérieur ; et là-dessus il se retira dans sa boutique et en ferma la petite porte.